La planète maths

Mathilde est gauchère : on la corrige, violemment, irrémédiablement, et elle en tire une grande sensibilité, ainsi qu’une méfiance envers les adultes. A l’école, elle comprend que les mots permettent de s’évader, mais trouve que les mathématiques plombent l’imaginaire. Alors elle triche en copiant les équations sur son ami-amoureux de toujours Samuel, et elle garde pour elle toute seule les petits théâtres d’ombres entre sa main gauche et sa main droite, les dialogues avec Peter Pan en personne. C’est son refuge, en attendant… en attendant que la confiance en soi arrive, plus ou moins miraculeusement…

Gisèle Bienne n’exerce jamais mieux son talent d’écriture que dans l’intime. Avec ce personnage de petite fille tourmentée, contrariée, mais aussi décidée à vivre coûte que coûte, elle peut faire s’épanouir un récit en « je » très introspectif, au fil des pensées qui coulent ou se heurtent. Il y a de la poésie dans la petite Mathilde, un côté fleur de peau qui la rend par moments géniale : dans sa fragilité d’aujourd’hui, on perçoit la force créative de demain.
Mathilde est seule, incomprise par des parents pourtant aimants, rejetée par un frère « scientifique ». Même le gentil Samuel ne perce pas sa carapace. Il faudra un garçon un peu fou, un inconnu pour que Mathilde accepte que sa différence n’en est pas une. Car on finit par comprendre que tout se passait en grande partie dans la tête de l’héroïne, révoltée silencieuse quand même sacrifiée sur l’autel des droitiers.

Un roman pur au thème délicat mais plein d’espoir, car non, tout ne se joue pas uniquement – ou tout du moins unilatéralement - durant l’enfance…