La reine de la nuit

Acrophobe, le père, ablutophobe la mère, gerascophobe l’arrière-grand-mère, quelle famille ! Le père de Félix a peur du vide, sa mère peur de l’eau, son arrière-grand-mère peur de vieillir. Félix, le héros, onze ans, découvre ces failles chez les adultes parce que son père raconte tout le temps et à tout le monde qu’il a été mort de peur lors d’une séance au planétarium. Le garçonnet souffre des moqueries paternelles et se déclare donc cielétoiléophobe. Seule Nadia, la petite sœur, affectueusement surnommée le bigorneau parce qu’elle est collante, échappe à cette fatalité : chacun de nous renferme une peur irraisonnée, déraisonnable mais constitutive.
Le regard critique que Félix porte sur ses parents cède devant son arrière-grand-mère qu’il adore. Tous les quinze jours, il va chez elle dans la maison isolée où elle mène, en solitaire, une vie libre et fantaisiste. A un âge pareil comment est-il possible de vivre seule à la campagne? Peut-on encore avoir confiance en elle pour garder les enfants ? Ne serait-elle pas mieux dans un petit appartement en ville ? Telles sont les questions qui pèsent sur mamy. Félix craint beaucoup la décision de son père qui pense que les enfants seraient mieux au centre de loisirs. La double fracture du bras de la mère permet de différer la sentence. Au cours de cette journée extraordinaire, Félix découvre le jardin secret de mamy, et l’aventure rêvée qui, peut-être, la tient en vie.

Benoît Broyart mêle avec beaucoup d’efficacité narrative une peinture du réel et de l’invraisemblable. Beaucoup d’enfants pourront se reconnaître sous les traits de Félix et les liens et tensions sous-jacents sont très vraisemblables. La « folie » de la grand-mère qui rêve de voyage spatial et l’échappatoire dans les « bobards » servent le propos de l’auteur qui fait dire à Félix : « S’échapper une heure ou deux du quotidien. Rêver Croire qu’on est capable d’accomplir des exploits extraordinaires. C’est plutôt une bonne chose. » « Tout le monde devrait avoir une place réservée dans sa vie pour accueillir un petit grain de folie ». Un beau texte tendre, amusant, émouvant aussi !