Le bateau ouvert

Le naufrage du steamer Le Commodore a servi de point de départ à cet album écrit par Stephen Crane, à la fin du XIXe siècle. Sombre et lyrique, cette histoire qui se déroule un jour de gros temps réunit quatre hommes au fond d’un canot de sauvetage : le capitaine, le coq, le graisseur et le correspondant. Entourés de vagues « perversement, barbarement abruptes et hautes », ils rament sans fin. « Il serait difficile de décrire la subtile confrérie qui s’était établie là sur les vagues » et pourtant, Stephen Crane y parvient. Parce que l’auteur a réellement vécu un naufrage et qu’il a une sensibilité toute créatrice. Les moments vécus par le capitaine et ses gars sont graves, mais il n’en paraît rien. L’équipage garde la tête haute, même lorsque l’espoir s’amenuise. L’auteur a mille mots et mille façons de décrire la situation vécue par ces hommes, en plein mois de janvier, perdus dans l’eau glacée. Ils ont la volonté de s’en sortir mais les secours tardent à venir…Plus proches de la mer, ceux qui réussiront à gagner le rivage auront l’impression d’être devenus des « interprètes », les porte-paroles de l’océan. Tourmentées, pleines d’écume blanche, les gravures d’Olivier Besson traduisent la violence des éléments, un état de tension qui est celui du huis clos. Nous avons des illustrations infiniment silencieuses qui ont un caractère fantomatique d’apparition murmurant toutes les nuances d’un état dramatique.