Le chat qui est chien

« Appeler un chat un chat » et affirmer que « les chats ne font pas des chiens », la sagesse populaire dans ses proverbes dit que chaque chose a sa place et que c’est bien comme cela. Contre ces évidences partagées Alex Cousseau et Charles Dutertre, complices, écrivent Le chat qui est un chien, étourdissante histoire sur les limites, les frontières et l’identité intime de chacun.

L’histoire se passe dans « le pays de Tout-reste-à-sa-place », où le personnage principal, un chat qui est un chien ne trouve pas sa place. Il vit donc dans la solitude et s’ostracise : « Au bord de la rivière, il boit et il aboie. Jusqu’au jour où un roi le rejoint. »

A partir de ce compagnonnage, tout bascule. Le roi n’est pas un roi mais se sent ours et ils croisent une grenouille qui s’attend à devenir princesse. La frontière entre ce que l’on est et ce que l’on paraît est mince. Symbolisée par l’eau et le reflet, traces fragiles, les lignes se brouillent. L’auteur et l’illustrateur jouent avec les formes. Charles Dutertre emprunte les représentations mi-humaines, mi-animales de l’art asiatique et Alex Cousseau s’amuse avec le mélange des genres : qu’un ours mange un poisson-chat quoi de plus normal, mais qu’un roi croque ce poisson vivant, c’est étonnant surtout pour le poisson dans sa protestation finale ! L’image de l’arbre entre racines terrestres et sommet aérien développe des thématiques complexes : le tronc barre la route, il figure la frontière, mais les racines et les branchages représentent la complexité des réseaux et des liens qui se libèrent quand on passe outre. Entre « Tout-est-à-sa-place » et « Tout-est-possible », suffit-il de franchir la frontière ?

Conte philosophique et jeu d’esprit, cet album complexe propose aux lecteurs plusieurs niveaux d’interprétation. Une liberté d’écriture séduisante qui se joue des formes et des valeurs. Une réflexion à construire. A chacun de le lire selon son envie.