Le grand Joseph

Kochka est née au Liban en 1964 et a dû le quitter avec sa famille en 1976, à cause de la guerre qui l’a déchiré.
Le Liban est toujours dans le cœur de Kochka et au cœur de son œuvre. C’est le cas de ce dernier paru, Le grand Joseph, où elle fait parler une petite fille, Joumana, qui vit à Beyrouth dans les années soixante. Sa mère est libanaise, son père français. Ses grands-parents maternels vivent tout près, rue Georges Saîdan : Joseph, véritable légende familiale, grand par la taille et par le parcours social et sa femme Téta Soraya, si petite qu’on la surnomme Téta Souris, qui passe sa vie à se battre pour tout.
Par petites touches de souvenirs et d’impressions, Joumana évoque la vie au Liban, sa vie de fille, où il faut obéir, rendre service, cuisinier, natter ses cheveux ; sa famille, si chère à ses yeux ; le quartier, les commerçants, la nourriture, la douceur, la chaleur. Quand la guerre survient, Beyrouth change et la vie aussi. S’installent la peur, les privations, les tireurs embusqués. Enfin lorsque les parents de Joumana décident de quitter le Liban pour s’installer à Paris, c’est la déchirure. On doit laisser ceux que l’on aime et vivre dans un lieu inconnu dont on ne connaît ni les codes ni les coutumes. On se sent écartelée entre deux cultures, on veut oublier et se rappeler. C’est difficile, doux et douloureux à la fois.
C’est tout cela que dit Kochka dans ce livre à l’écriture presque orale, comme si elle voulait raconter à la manière des conteurs orientaux, avec des tournures presque incantatoires. Cela donne une très jolie musique de mots. Elle sait dire avec une extrême sensibilité la complexité des sentiments, lorsque l’on vit une déchirure, la douceur de vivre dans un pays perdu, et le bonheur d’être aimée par une famille unie et riche de différences. Un livre très touchant.