Le nuage de papa

Il n’est pas très bien rasé ce papa. Et qu’est-ce que c’est ce nuage gribouillis au-dessus de lui ? L’héroïne immédiatement nous informe : « Papa a un petit nuage au-dessus de la tête ». À travers son regard et sa parole, nous éprouvons les difficultés et les échecs, les espoirs et les réussites de toute la famille.

Tout en couleurs pastels, rose poudré, gris-bleu, jaune pâle, le dessin filiforme et le décor un peu étrange et fragile de Stéphanie Marchal rendent sensible cette vie désaxée, bancale et instable, vécue par toute la famille où chacun essaie de vivre au mieux selon les circonstances. Agnès de Lestrade accompagne sa narratrice par une construction rigoureuse et efficace. Elle pose la dépression comme une donnée, un point de départ. À partir de là, les conséquences s’enchaînent : Papa ne sort plus du lit et « je » – la fille – fait tout ce qu'elle peut pour chasser « le nuage ».

On peut faire confiance à l’humour de l’autrice pour faire vivre des situations drôles. Ainsi, la fillette invente tout ce qu’elle peut pour battre le nuage en brèche : parapluie, vampires, chatouillis, sauter sur le ventre, souffler sur le nuage... L’écriture répétitive, à la première personne, rythme ces péripéties. Volontariste, la jeune fille agit et entraîne son papa, mais le petit nuage n’aime ni les crêpes, ni la mer ; autant d’essais, autant d’échecs. L'autrice décrit le répit, puis la rechute, avant une sortie de crise.

Cet album, tout en nuances, en larmes et sourires, mais marqué par cette tension, s’achève positivement : « On sait bien que le petit nuage peut revenir un jour », mais « en attendant, on profite » ! Soleil radieux, vélos rangés, le trio sur la plage va se baigner...

Un album au ton juste et authentique, porté par une vraie compréhension de la dépression qui plombe l’univers des personnages et donne tout son prix au dessin désespéré de la maman qui ne peut accompagner sa fille en sortie scolaire, ou à celui, bouleversant, de la fillette au creux des bras de son père. Une belle complicité entre le texte et l’illustration, qui conjugue gravité et légèreté.