L'encyclopédie des ogres

Les enfants connaîtront tout des ogres lorsqu’ils auront parcouru la riche encyclopédie que leur dédient Denis Baronnet et Gaëtan Dorémus. La couverture nous informe immédiatement sur leur milieu, ils sortent du bois, portent des dents et des couteaux effilés. Massifs et l’air obtus, ils s’avancent vers le lecteur. Le sommaire, comme il se doit, détaille le riche contenu du documentaire, laissant à chacun le choix d’améliorer sa connaissance des ogres par une lecture exhaustive ou en picorant selon ses besoins.

L’architecture d’ensemble va du général, l’ogre des bois « classique » (chapitres 1 et 2) au particulier, connaissances spécifiques dans l’espace et le temps (chapitres 4 et 5) issues de la science ogrologique (chapitre 3). Tout cela est écrit dans un style parodique qui mélange aspects traditionnels de l’ogre mangeur d’enfant et modernité avec l’ogre numérique qui pratique une forme récente de captation d’enfants. L’humour nuance l’horreur avec par exemple « l’humainaillier », poulailler de petits enfants chauds et frais du jour, et en tournant en dérision les pauvres ogres toujours à la recherche de proies, obligés de développer des techniques de chasse auxquelles s’oppose le « petit guide de défense contre les ogres ».

Auteur et illustrateur marchent du même pas ; au délire de l’écrivain répond la fantaisie caricaturale de l’illustrateur. Denis Baronnet écrit des fiches méthodologiques sur la morphologie de l’ogre, son squelette, son mode de vie ; Gaëtan Dorémus traduits en dessins ces écrits tantôt faussement descriptifs, tantôt avec des commentaires, souvent manuscrits. Ainsi le détail des dents est montré par le schéma de la mâchoire, mais la nécessité de les meuler donne lieu à une vignette caricaturale et l’illustrateur se réjouit de savoir que parfois, dans des « accidents avec la meule des dents, ils se rabotent le pif ! » L’utilisation du rouge et du vert un peu agressifs crée une ambiance malsaine du meilleur effet.

Tout dans cet album est l’objet de décalages permanents : entre le texte et le dessin, dans les différents styles d’écriture, pseudoscientifique, narratif, et dans les différents plans d’illustrations du petit croquis en passant par la belle représentation des bateaux des ogres marins ou la vaste fresque historique des ogres à travers les âges.

Tant de richesses réjouiront des lecteur·ices sensibles aux jeux de mots, à la diversité de voix et de langages, ceux qui veulent apprendre à combattre les affreux, ou ceux qui espèrent se rassurer grâce à la BAIO (Brigade d’Intervention Anti-Ogres), tous, à condition d’aimer le second degré et de savoir que la création littéraire et plastique se prête « pour rire » à toutes les fantaisies.