Les géants tombent en silence

Les arbres sont les témoins silencieux de nos vies. C’est toute l’histoire de cet album qui commence par l’inauguration en fanfare d’un petit parc urbain. Pour l’occasion, les habitants se sont rassemblés, joyeux, autour du maire et de l’arbre dressé au milieu du parc. Puis la vie reprend son cours et l’arbre grandit. Au fil des pages, il raconte ses souvenirs : les rires des enfants autour du toboggan, les sans-abris et les chansons murmurées sur le banc, les chats perdus et les pompiers sauveteurs de chats, les tempêtes d’automne qui ont fait s’envoler le toit de la boulangerie et le froid de l’hiver, les colonies d’étourneaux, les mots doux des amoureux, la musique, les lampions et les jours de marché.

Les arbres, on les aime, puis on les oublie et ils tombent en silence. La fin, abrupte et sans paroles, laisse le lecteur quelque peu perplexe quand les hommes en vert reviennent, cette fois pour scier l’arbre. L’intention de l’auteur est limpide sur la nécessité de préserver les arbres et la démarche de l’ouvrage engagée, à travers un partenariat de l’éditeur Seuil Jeunesse avec Reforest’Action. L’histoire touchera à coup sûr les enfants mais s’adresse peut-être plus encore aux adultes, davantage enclins à oublier que la nature n’est pas qu’un décor.

Côté illustrations, on retrouve avec bonheur le trait sautillant de Barroux, proche du dessin de presse, et ses couleurs vibrantes à l’aquarelle et à l’encre. L’arbre narrateur, ce « géant », semble dévorer l’espace et s’anime à chaque saison tandis que les années passent sans que la ville ne change vraiment (toujours les mêmes immeubles, les mêmes autos). Il est surtout le point d’attraction vers lequel convergent tous les êtres vivants et sans lequel chacun est renvoyé à son individualité, dans une ville moins souriante. Un album salutaire qui fait se rejoindre écologie et humanisme, à mettre entre toutes les mains.