Les jumeaux de l'île Rouge

Jumeaux adoptés à Madagascar, noirs de peau dans une France frileuse, Cléa et Brice atteignent l'adolescence et se posent des questions sur leurs origines biologiques. Cléa surtout est hyper-sensible, rebelle et provocante. Leurs parents très compréhensifs leur offrent un voyage sur l'île malgache, dans la famille d'une soignante de l'orphelinat qui les a connus petits. Brice s'accommode du voyage, s'inquiète pour sa jumelle. Cléa a en effet en tête des idées de fugue. Mais la découverte totalement inattendue d'un secret de naissance va bouleverser les cartes de la famille, et amener chacun à se remettre en question... Le plus fragile ne sera pas celui auquel on pense.

Brigitte Peskine, malicieuse, fait semblant de s'effacer derrière son héroïne, Cléa, qui lui aurait fourni de la matière pour son roman : échanges de messages électroniques, journal intime sur tablette, et bouts de récit de la jeune fille. De fait, l'auteure ne se serait pas « fatiguée » et n'aurait fait que compiler les archives dans l'ordre chronologique, reconstruisant peu à peu l'histoire presque incroyable des jumeaux. C'est habile et fort réussi.

Concernant l'intrigue, nous ne dirons pas tout, car il faut bien garder quelque suspense (l'aspect épistolaire s'en charge par ailleurs). Et si nous pensons invraisemblance, rappelons-nous que la réalité dépasse souvent la fiction... Cependant, un aspect – assez subjectif - peut gêner à la lecture, celui de l'attitude des parents, psychologues de l'extrême, attentifs jusqu'à l’écœurement, stoïques à s'en faire piétiner. Ils laissent Cléa et Brice vivre leur crise d'adolescence, certes tout à fait singulière, sans quasiment leur poser de limites, ce qui amène les jeunes gens à des projets très étonnants – voir le coup de tête de Brice décidé à se marier avec une Malgache juste rencontrée.

Il n'empêche, Brigitte Peskine parvient à brosser un portrait relativement complet de l'île et ses coutumes, sa grande misère aussi, tout en revisitant l'eldorado français sans complaisance. A lire aussi : L'île de mon père, qui parle des enfants réunionnais envoyés à la métropole dans les années 1960.