Les petits Robinsons

Quatre garçons et filles d’âges variés partent en expédition. Il y a Adel, le gourmand, amateur de chocolat, Flo, qui semble plus âgée, professorale et pratique, la petite Léna et Jules l’érudit. Cette petite troupe présente des relations multiples de domination, coopération, désir d’individualisme (chacun pour soi en matière de chocolat) et désir de communauté.

Hors du temps et de l’espace, ils semblent vivre une aventure extraordinaire. Néanmoins, le titre de Petits Robinsons induit en erreur: pas d’île, pas de solitude; on pense plutôt à Sa Majesté des mouches de William Golding tant les thématiques de gouvernance, démocratie, rôle et place d’un chef, question du partage sont présentes.

Romain Taszek cultive une certaine ambivalence: l’illustration aux couleurs claires, la mise en page qui alterne vue d’ensemble et vignettes créent une atmosphère raffinée que contredisent les événements successifs : peur du monstre, risque de mort violente par champignon, un peu caricaturaux tant ils sont attendus. A cela s’ajoute également une dimension écologique puisque les enfants vont chercher de l’eau et reviennent d’une sortie convaincus qu’ils doivent être vigilants. N’est pas Robinson ou Ulysse qui veut. Aujourd’hui, les menaces et les risques ont changé. Entre les illustrations pleine page, presque idylliques, qui décrivent les côtés positifs de l’aventure, et le réel un peu grinçant raconté en vignettes, l’auteur épingle avec malice des comportements, des attitudes peu courageuses ou peu généreuses. Après le départ de la petite troupe, faut-il apprécier le calme revenu ou remarquer les traces laissées ? Un ouvrage attachant où, mine de rien, texte et images interrogent.