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Date de publication
Age-cible

L'imagier des sens

Sélection des rédacteurs
Album
à partir de 4 ans
: 9782970157106
18.00
euros

L'avis de Ricochet

Nouvel opus dans l’œuvre prolifique autant que méticuleuse de cette autrice singulière qu’est Anne Crausaz.

Son travail, tout en délicatesse et en précision, ouvre le monde aux petits enfants et affûte leur regard sans le parasiter. Qu’il s’agisse de fiction ou de découverte documentée, ses choix graphiques et narratifs sont d’une simplicité efficace et poétique, introduction idéale à la nature et à ses multiples facettes[1].

Pour cet Imagier des sens, Anne Crausaz enrichit le catalogue d’une toute jeune maison d’édition, Askip. Installée à Lausanne, son équipe éditoriale propose aux auteur·rice·s de relever un défi créatif : pour Anne Crausaz, ce sera de renouveler son approche graphique, loin des logiciels, et plus près des pinceaux[2]. Son projet est d’illustrer les quatre éléments – air, eau, terre et feu – par leur exploration sensitive, c’est-à-dire au moyen des cinq sens – goût, odorat, ouïe, toucher et vue. C’est une ode « à ce qui nous entoure », écrit l’artiste en introduction à son récit, qui va bien au-delà de l’annonce du titre.

Véritablement, c’est un défi, car le média est ici le livre, c’est-à-dire la représentation visuelle et son pouvoir de suggestion sensorielle. Donc, Anne Crausaz ouvre pour nous un catalogue raisonné de sensations à partir de ses propres représentations, et nous propose de le partager, d’expérimenter suivant ses suggestions graphiques et narratives. Le travail des mots n’est pas moins subtil que celui de l’image. Au-delà de la relation entre les éléments et les sens, elle ajoute à la partition son interprétation croisée par le texte et le dessin.

Sur un papier épais et absorbant, propice à l’effet de dispersion de la couleur comme au rendu de la matière, en quelques phrases succinctes mais avec des mots choisis, l’artiste invite nos propres sens à imaginer la sensation de l’air qui nous flatte la joue, pénètre nos narines avec « une odeur de vacances » à la mer, chantonne « en se faufilant » dans les herbes. Au pinceau, l’artiste amplifie son évocation textuelle de ses propres réminiscences. Les couleurs étales des paysages de bord de mer témoignent de la lumière particulière qui les caractérise et réverbère la chaleur de l’air. Les traits de pinceau sont visibles et signifiants : la translucidité d’une main dans la lumière, la verdeur tranchée des touffes d’herbes et les corolles de pâquerettes qui se donnent à toucher. Le bleu estompé de blanc du ciel, quand les nuages glissent dans l’air, le contraste entre le bleu céleste et le manteau glacé des sommets enneigés qui fait vibrer pureté avec luminosité.

L’eau donne lieu à une exploration picturale plus fine encore, technique, un travail d’aquarelle, un jeu de camaïeux entre vert, bleu et gris, tout en transparence, pour évoquer la dilution propice aux reflets, la liquidité des reflux, et ses états (vaporeux parfumé, cristallisé glacé), qui permettent au lecteur de ressentir physiquement l’effet de l’eau sur ses pieds, qu’il regarde dessinés, plongés dans la rivière glacée.

La perception de la terre s’ouvre sur la perspective d’un champ labouré qui se noie  au loin dans la brume. Puis le dessin rapproche le regard de l’ensemencement, pour visualiser la graine, symbolisant le rapport de l’homme à la terre nourricière. Peinte sous ses multiples avatars – boue brune glaiseuse, lourde et parfumée, myriade scintillante de grains de sable chaud ruisselant entre les orteils, éclat des galets gris de rivière qui reflètent la lumière – son observation permet d’approfondir cette approche sensuelle, voire en appelle à l’imagination pour percevoir le bruissement de la germination, ou la reptation souterraine du lombric.

Enfin, le feu. Il s’annonce par le craquement d’un éclair dont le blanc lumineux déchire le ciel nocturne comme une apothéose. Il s’éteint aussitôt dans l’évocation de l’acide odeur de la forêt dévastée après l’incendie, troncs noirs et dépouillés dans la brume grise des cendres ; et puis renaît en flammes dansantes et colorées palpitant de mille étincelles mouchetées d’orange et de jaune, qui contrastent et s’harmonisent pacifiquement avec le fond d’un autre ciel de nuit, calme et bleuté.

« Faire un vœu ». Sur cette formule rêveuse s’achève cette poétique initiation sensorielle pour les plus petits, par l’image et le verbe tissée ; l’opportunité d’un bel échange avec ceux qui savent et qui racontent aussi. L’occasion rêvée, enfin, d’aller toucher pour sentir, et s’assurer que cette expérimentation par livre interposé confirme les promesses d’une autrice-artiste sensible et investie.

Un défi relevé avec talent, un vœu qui se réalise. Un bonheur de lecture, à partager sans attendre.


[1] Écouter le podcast « Éclats de lire » sur Radio Escapades, émission du 16 novembre.
[2] Voir l'épisode 15 de « REC créations » sur Ricochet.

Présentation par l'éditeur

L’Imagier des sens aborde les quatre éléments à partir des cinq sens. Le choix de travailler à la main a permis à Anne Crausaz, habituée des images numériques dans ses albums jeunesse, de toucher au plus près les sensations en allant à l’essentiel, tant au niveau des dessins que du texte.


Entre incendies, inondations, avalanches, tempêtes et glissements de terrain, les quatre éléments sont de

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