L'une et l'autre

Deux couleuvres naissent, l'une au soir d'une nouvelle lune, l'autre à la pleine lune. Elles se croisent et se recroisent avant d'oser s'aborder et de devenir amies. Elles sont si intimes qu'on les dit jumelles. Elles font tout ensemble à tel point qu'elles ne savent plus ce que chacune aime vraiment. Puis, à la faveur d'une mue, elles se perdent de vue. Elles se revoient ensuite, elles ont grandi, elles n'ont plus besoin de cette exclusivité pour s'apprécier, elles font ce qu'elles aiment ensemble ou seules. « Elles sont devenues amies... amies pour la vie ».

Anne Crausaz joue sur la similitude des couleuvres -vipérine pour l'une, à collier pour l'autre- pour construire son histoire d'amitié exclusive et envahissante. La mise en page magnifie encore cette parabole naturaliste. Les deux couleuvres vivent en symétrie, chacune sur sa page. Ce n'est que quand elles se rencontrent, qu'elles se mêlent passant d'un territoire à l'autre. On reconnaît là le magnifique travail graphique d'Anne Crausaz. L'apparente simplicité des dessins cache une précision extrême que l'on ne peut qu'admirer. La beauté des couleurs choisies et le soin de la composition font de chaque illustration un véritable tableau.
Et si on regarde bien, on voit guigner Raymond, l'escargot qu'on avait déjà adoré dans Raymond Rêve chez le même éditeur.