Mao et moi

Dans ce grand album, avec le « je » et au passé, Chen Jian Hong nous raconte sa propre enfance. Né en 1963, il a connu intimement la Chine de Mao, sans forcément la comprendre… Le petit garçon habitait avec ses parents, ses grands-parents et ses deux sœurs dans une grande ville du nord. Sa vie quotidienne était tranquille, rythmée par les repas, les sorties avec le grand-père. Jusqu’à l’annonce par Mao de la Révolution Culturelle, en 1966. Immédiatement, vagues d’arrestations, propagande, rationnement de la nourriture se mettent en place. Le père de la famille est bientôt envoyé dans un camp de rééducation proche de la frontière russe. Le petit garçon, lui, grandit, dessine – sa passion -, va à l’école, joue, porte fièrement le brassard de Petit Garde Rouge du Parti Communiste. Et puis le grand-père, duquel il était très proche, décède. Plus que le Grand Bond en avant et ses tressautements, c’est cet évènement qui aura marqué l’enfance du narrateur. La suite est rapide : mort de Mao, fin de la Révolution Culturelle, retour du père, études des Beaux-Arts et âge adulte… Le fait de garder le point de vue de l’enfant confère à l’album à la fois une naïveté et une objectivité tout à fait intéressante. En effet, l’ouvrage, même brut et sans explications, est à la limite du documentaire. Il ne juge pas, ne prend même pas la mesure de la dictature de Mao puisque l’enfant ne voit que le bout de sa rue, mais il témoigne avec précision, il suggère avec finesse. Les illustrations aux couleurs mates envahissent la page, immenses ou fractionnées en cases. Elles accompagnent simplement le texte mais sans elles, sans les larmes du petit garçon ou le regard de la sœur sourde-muette, l’album perdrait son caractère émotionnel intense. A lire accompagné ou complété d’un documentaire plus poussé.