Mon ti chien

Mon ti chien, celui de la couverture, s'appelle Rex. Son nom officiel s’inscrit au fronton de sa niche, véritable château en son royaume, avec son étendard flottant au vent. Dès la première page, on pressent le drame. Rex, la tête posée sur ses pattes croisées, le regard terne, l’air abattu, l’oreille gauche très, très, très, longue, pendante, aurait-il honte de ce qu’il entend ? « Il est où, mon ti chien ? » Le ton est donné. Rex appelé à cors et à cris, va sortir un peu péniblement, en marchant sur ses oreilles tellement longues et tellement molles. Il est un peu trop rond, enrobé en vérité et malgré son charmant foulard de cow-boy à pois, il n’a guère l’air martial. Le discours tout sucre, tout miel de son « papa » ne l’aide pas, pas plus que la façon ridicule de l’affubler. La plus belle image est celle de Rex ti chien, les oreilles en couronne tenues par une pince à linge, alors que le maître dit « Oh, ti ti chien ! T’as de belles oreilles, tu sais. T’as du chien Rex ! » La magie de cet album tient à la complicité des deux voix distinctes : celle de Carl Norac qui surjoue le discours du maître et celle de la dessinatrice qui en noir, gris et blanc pétrit son chien de réprobation muette. A mi-parcours, le ton change : c’est la révolte de Rex, TOUT MAIS PLUS ÇA ! A ce moment, ti chien rêve de tout ce qu’il pourrait être : une chauve-souris ou même un chat, un coussin ou même un sac à provisions. L’énumération est délirante, mise en image avec une fantaisie subtile, très drôle jusqu’à la chute où tel est pris qui croyait prendre. A offrir à tous ceux qui aiment les chiens. Pour venger ceux-ci de la bêtise de leur maître. A offrir à tous ceux qui n’aiment pas les chiens. Pour les soulager de la bêtise d’être maître. Une réussite.