Olive et le grand jardin

Ariadne Breton-Hourcq et Laurence Lagier, les deux autrices de ce très bel album, sont des plasticiennes aux inspirations multiples, des propositions de la nature aux savantes constructions intellectuelles telles que les alphabets et autres inventions graphiques élaborées. Mais c’est de l’alchimie d’associations merveilleuses de ces mondes si variés que va naître la fantaisie dans cette histoire. Son héros est un petit oiseau, Olive, ainsi nommé parce que son plumage est de la même couleur que le fruit. Avec ses ailes d’origami et son corps potelé comme une petite olive, l’oiseau vole, volte et virevolte toute une longue journée avant de retrouver quelques amis, avec lesquels il constituera une farandole aux couleurs de l’arc-en-ciel.

L’enfant est encouragé à le suivre à travers un inventaire de nuages^[1], à la découverte de tous les éléments du jardin. Accompagnant la légèreté du vol de l’oiseau de son petit doigt malhabile comme au gré des chemins labyrinthiques tracés en pointillés, qui évoquent le travail de Katsumi Komagata, il s’initie en douceur au geste graphique, assouplit son poignet, précise sa manœuvre. L’occasion pour les autrices de dérouler le long ruban d’étoupe céleste qui passera du rose de l’aube claire aux bleus profonds de la nuit, et toutes les nuances de bleu, ainsi que la palette des verts qui compose l’univers végétal des oiseaux. Les motifs issus d’une utilisation savante du normographe ont un effet « tamponné-pressé » très convaincant. Mais ici, point de bavures, pas d’à-peu-près, tout est calé, calculé, et l’effet en est d’autant plus incroyable. La géométrie organise la fantaisie dans l’intérêt d’une découverte raisonnée et néanmoins poétique, et la référence au comptage incite aussi à l’observation fine : les 4 coins du ciel, les 5 flaques d’eau vert Véronèse pour 1 seul bassin vert canard et 7 plates-bandes vert prairie et ainsi de suite.

Également un texte enchanté par les choix stylistiques, avec un effet de répétition qui fonctionne comme un capteur d’attention. L’énumération d’adverbes de situation ou de mouvement, de verbes d’observation, pour décrire les évolutions de l’oiseau dans les nuages ; de nouveau des adverbes pour évoquer les mouvements de l’oiseau qui s’approche hardiment, habilement, joyeusement, ou encore vivement.

Les formules aussi, comme les onomatopées qui sonorisent ces mouvements, ces zac-zac-zac, tsing-tsing-tsing, yup-yup-yup qui font friser la langue, ou les incantations magiques : Ratapataclong ! Ratapatacling ! Ratapataclup ! qui permettent à Olive de prendre la couleur de ce qu’il touche, vert mousse comme les 3 lits de cailloux, ou vert émeraude comme les 6 haies de buissons… Sans y penser, l’enfant est invité à goûter ce festival de mots, à s’en imprégner.

Enfin le texte en noir est posé sur une large bande jaune d’or, en bas de page, certainement pour optimiser la lisibilité, comme l’alignement à gauche et l’interligne augmenté, facilitateurs pour des lecteurs malvoyants, mais probablement aussi pour tous les jeunes lecteurs. 

Reste à suivre les folles arabesques composées par le vol des oiseaux, et le tracé des lettres avec lesquelles Olive écrira finalement son propre nom, qui s’étalera sur la double page, comme une victoire !

De la belle ouvrage vraiment.

^[1] On pense au merveilleux Atlas des nuages, publié par Actes sud junior, ou encore à l’album illustré par Kim Jae-hong, Nuages, aux éditions Philippe Picquier.