Roule, roule, petite boule
L'avis de Ricochet
C’est un petit bijou que ce conte japonais paru aux éditions Le Cosmographe.
L’argument, issu de la tradition de l’ouest du Japon, est celui d’une mise à l’épreuve dont l’héroïne ressort victorieuse, conté sur un ton désinvolte et effrayant comme de mise avec ce type de motif, qui rappelle le délicieux Didi Bonbon d’Olga Lecaye. Mais la mise en images réalisée par l’artiste Micao, Mika Hirasa, artiste brodeuse, poétique création sur tissus rebrodés, lui confère une originalité exceptionnelle, une âme toute unique : applique sur applique, ton sur ton ou contraste éclatant, points semés autant que brodés, chemins tissés de hasard ou points serrés de reconnaissance, l’ensemble du travail de Micao prête à rêver et à s’émerveiller.
Dans la forêt, tout en camaïeu de vert, découpée en chemins sinueux, bordés de délicates fleurs de fil et d’arbustes fantastiques, premiers signes d’un voyage dans le monde magique, une toute petite fille à la coiffure de poupée kokeshi, vêtue d’un kimono composé d’une jolie pièce de tissu rouge estampé de pétales blancs, ceint d’un minuscule obi brodé de coton vert, laisse échapper successivement, « roule, roule, petite boule », les trois boules de riz qui devaient la restaurer. Elle court pour les rattraper et se trouve nez à nez avec un ogre, qui dévore son repas, s’en lèche les babines et l’entraîne illico dans son repaire pour en faire sa cuisinière spécialiste en boules de riz bien fondantes !
Un ogre, ce n’est pas rien tout de même, et la galerie de ceux imaginée par Micao, qui accueillent la petite fille atterrée, grands yeux en amande et pupille mobile et expressive, est particulièrement haute en couleur : tout à fait à l’image des représentations traditionnelles, entièrement en rouge, ou vert, ou encore orange, sur une chevelure particulièrement travaillée en tresses et boucles jaunes ou rousses, ils arborent tous une paire de cornes diaboliques, aussi aiguisées que les crocs qui apparaissent sur le fond d’une bouche large et profonde. Leurs yeux roulent, soulignés d’un fin liseré noir, comme les muscles saillants de leur silhouette trapue, impressionnants ! Heureusement qu’ils sont gourmands, et que la dégustation des boules de riz cuisinées par la fillette va les entraîner dans une grande sieste digestive, allongés dans leur grotte de toile opaque et couleur de la terre des cavernes : leur prisonnière n’attendra pas plus longtemps pour leur fausser compagnie !
Comme lssun Bôshi, un célèbre Poucet japonais, c’est une louche magique qui va aider l’enfant à échapper à un sort plus funeste, et lui garantir une vie sans souci.
L’enfant s’enfuit, et saute dans une barque, cousue à grands points droits sur les flots de tissu bleu rebrodés, que les ogres, déjà réveillés, s’empressent d’engloutir tout au fond de leur grande bouche de tissu rouge carmin. La louche providentielle la sauvera in extremis, et elle regagnera sa maisonnette au toit de chaume en lainage brun, pour une vie paisible avec tout un bestiaire brodé de poules, chien, souris, et chat ronronnant, au milieu des fleurs…
Une douceur de conte comme une initiation à l’art délicat et sensuel de la broderie, qui peut tout aussi bien nous ravir et nous effarer, jouant sur les tons, les matières et les découpes pour réinventer l’univers, pour réincarner la magie : magnifique !
Présentation par l'éditeur
Dans cette relecture contemporaine d’un très vieux conte populaire japonais, une petite fille au tempérament bien trempé se retrouve aux prises avec une bande d’affreux démons. Il lui faudra faire usage de beaucoup de courage et d’une bonne dose de malice pour tromper la vigilance des terribles « yokai » et regagner sa maison au terme d’un périlleux voyage.
Comme dans Le Petit chaperon rouge avec