A samedi !

Dans une ville anonyme, hélas parfois gangrenée par la haine de l'autre, des amoureux se croisent, s'attirent et se repoussent, faisant vibrer la vie contre justement cette peur de l'inconnu. Ils sont souvent jeunes, inexpérimentés, mais ils sentent des ailes leur pousser – dans un sens ou dans l'autre, transis ou indécis –. Ils sont aussi plus âgés, peut-être amers d'avoir perdu du temps et leur chance... Certains verront leurs vœux exaucés presque miraculeusement, avec insouciance, d'autres finiront déçus, amenés à se reconstruire péniblement. De mercredi à samedi, ils explorent leurs sentiments, attendent ou provoquent, bref existent.

On met un petit temps à comprendre le processus d'écriture, et le changement de personnage signifié par une majuscule rouge en début de paragraphe. On met plus de temps à digérer l'image si convenue et sage de la bibliothèque, avec son personnel épris de calme et ses ressources merveilleuses... Passons. Hubert Ben Kemoun sait faire évoluer ses multiples personnages, inventant des relations entre eux, exposant leurs psychés avec pudeur. Noir, blanc, gris et des touches de rouge, les dessins de Zaü incarnent leurs désirs et leur attente, dans une curieuse harmonie statique et avec des figures qui paraissent souvent plus vieilles que le texte ne le laisse supposer. Par ailleurs, l'à-côté des intrigues, avec ces affiches et ces tags racistes qui apparaissent nuitamment, apporte une chair bienvenue aux chassés-croisés amoureux : « La France aux Français et la Bourgogne aux escargots », il fallait y penser... N'oublions pas un dernier personnage, et non des moindres : la ville. Entre l'école, la piscine, le jardin japonais, le commerce de proximité, elle observe et rend compte, elle compatit et raconte au lecteur pris dans un tourbillon d'émotions contradictoires.