Seul à la maison

Un chat pas ordinaire profite de l’absence de l’humain qui l’héberge pour s’en aller en promenade et, ni vu ni connu, il se faufile dans l’armoire pour ressortir d’un arbre, « quelque part » dit le texte, en affichant un gros plan de ce matou rouquin à la mine patibulaire ! On entend déjà glousser les petits lecteurs…

L’album démarre sur les chapeaux de roue, sans s’embarrasser d’une page de titre, pour quoi faire, il y a déjà la couverture, avec, c’est tellement rare, le nom de la traductrice Alice Hureau sous la tête hyperréaliste du chat à l’affût d’on ne sait quoi, les pupilles affûtées dans les prunelles vert translucide. Ma foi, ça c’est un portrait de chat ! La typographie du titre avec ce SEUL en italiques comme un signal de départ se détache comme une promesse. Que va-t-il se passer ?

À peine sorti de son trou d’arbre, le chat se dresse à la verticale, conquérant anthropomorphe : on bascule dans l’imaginaire pour le suivre. La gouache sur papier à grain donne du volume à l’image, gonfle la fourrure de la bête, veloute les feuillages, pour des tableaux d’un quotidien on ne peut plus inattendu. Rien à voir avec les vadrouilles façon chat de gouttière !

À chaque nouvelle page, s’affiche à gauche une façade, de bar, de salon de coiffure, de librairie, dans le style du peintre américain Norman Rockwell, déséquilibrée sur la page de droite par une représentation du héros dans un usage décalé, une posture exagérée, absolument comiques ! Dans un univers à la banalité un rien surannée, le pinceau malicieux de Naoko Machida nous entraîne jusqu’à la salle de baseball et aux bains publics, à la suite du chat un brin déjanté quand même !

On se régale de voir le félin dodu déambuler au gré d’un texte minimaliste à l’humour caustique, à la mesure d’un animal dont on connaît la réputation depuis le Chat botté : indépendant, et coquet ; mais douillet, soucieux de son bien-être, un brin tatillon, souvent sarcastique, toutes caractéristiques saisies et figurées par Naoko Machida à travers les regards et les attitudes de son personnage.

L’éclat de rire que provoque immanquablement l’ultime portrait du héros signe la réussite de l’artiste et de sa traductrice : voilà un album qui mérite le détour, et l’escale ! Les petits lecteurs reviendront souvent dans ce pays des chats, foi de matou !