Si difficile

Quitter son immeuble et se lancer à l’extérieur semble compliqué pour le petit personnage. Affronter le boulanger qui occupe l’espace quand on se sent tout petit est difficile aussi.

On comprend cela grâce aux illustrations de Raúl Guridi composées de personnages dessinés aux traits et d'espaces « gribouillés ». 

Oser s’asseoir dans le bus au milieu des voyageurs est complexe. Autour du narrateur une bulle d’isolement ; noyé dans le gris, il est cerné.

Ces illustrations muettes, d’où naît le sentiment d’étouffement, alternent avec le discours intérieur du héros, écrit blanc sur noir. Le rythme opéré par ce va-et-vient, entre regard extérieur et pensée intérieure, nous trouble. 

On est saisi par l’image de la multitude qui parle, crie peut-être, - « trop de personnes parlent en même temps » - et le héros, transparent quelle que soit la situation : le boulanger, le bus, l’école et la mère elle-même ne semblent pas pouvoir l’atteindre.

Pourtant, dans son cœur, le protagoniste n’est pas mutique, mais prononcer des petites paroles comme « d’accord » au monde le dépasse… Peut-être qu’une autre forme de langage, celle de l’art, rendrait « facile le difficile » selon les derniers mots de l’auteur ?

Un album douloureux avec des silences trop lourds. Un appel à l’aide, un avertissement pour prêter attention aux uns et aux autres ? Un ouvrage d’autant plus troublant que son texte est modeste comme son héraut.