Supernova

Sur la couverture, une double annonce, « cette pièce a valu à [Catherine Daele] le double prix des metteurs en scène » belge et étranger, d’une part, et, « certaines situations ou certains propos […] pourraient choquer des lecteurs trop jeunes ou non avertis », d’autre part. Brillante et brûlante, telles pourraient être les caractéristiques de cette pièce à 3 personnages. A l’ouverture du rideau, Brésil, 12 ans, amadoue un chat qu’il attrape, lui rompt le cou, le caresse et l’enterre ! Arrivent ensuite Rachel, sa sœur de 14 ans, et Mathilde, l’amie de Rachel, 13 ans. Avec âpreté, dans un langage direct, la grande sœur s’adresse à Brésil comme à un gêneur, les deux filles ne veulent pas de lui sur leur « territoire ». Pour marquer leur terrain, elles veulent ériger un totem. Or un jour, un panneau d’urbanisme planté là annonce la construction prochaine d’un centre commercial et de logements. Une réunion d’information est programmée, Rachel et Mathilde iront dire ce qu’elles en pensent. Pot de terre contre pot de fer, mineures, elles n’ont pas droit à la parole. Brésil, dans son langage inventé, le « gitan galactéotimique ancien », propose une solution : pourrir le terrain en enterrant un maximum de chats parce que les chats morts, « ils chauffent, chauffent, chauffent comme une étoile […] ça fera des supernovas ». Brésil exprime très clairement (scène 14, Carnage) le but de cette opération « on va perdre ceux qui nous perdent »…


Ce massacre des chats, massacre des « innocents », est présenté comme une vengeance ou une libération. Enfants violés, enfants violents : massacre des chats. Résumé ainsi cela parait caricatural mais il faut écouter les trois personnages abusés par les adultes et empêtrés dans eux-mêmes : père pédophile sans que cela apparaisse comme absolument odieux ; puissants qui les écrasent ; montée du désir du corps de l’autre chez Mathilde, la plus paumée des trois.

La construction de la pièce est d’une logique implacable, les scènes s’enroulent autour des trois personnages remarquables : en solidarités et en révoltes. Dans un espace confiné tel un bateau avant le naufrage, la parabole de la supernova brille comme un ultime repère pour des jeunes qui n’ont aucune connaissance, un désir d’apocalypse. Crue et cruelle, tragique, cette pièce est un diamant noir, on pense à Novarina, Beckett… Restent les avertissements liminaires et la question qui se pose sans cesse à la littérature de jeunesse, peut-on tout dire ? Pour qui écrire ?