Tête de molaire

« Tête de molaire », c’est ainsi qu’on appelle Nelly, quatorze ans, à cause de sa tête « tout en hauteur, comme un pain de sucre avec des côtés carrés ». Après une naissance aux forceps qui lui a laissé ce handicap, la mort de sa mère, et un père qui a pris le large alors qu’elle avait quatre ans, Nelly n’a pas vraiment été gâtée par la vie. Pourtant, elle ne demande pas mieux que de rester vivre à la ferme avec sa grand-mère, ce qui lui évite de croiser trop souvent le regard halluciné des autres. Alors quand Mamy lui annonce que « quatorze ans, c’est quand même un âge où il faudrait rappeler à son père qu’on existe, même avec une tête de dent », c’est la tuile ! Après un voyage rocambolesque, la rencontre avec le père et sa nouvelle famille se révèle pire que ce qu’elle pouvait imaginer, et Nelly n’est pas au bout du cauchemar...

On dit souvent que l’humour est une arme pour se défendre dans la vie. A lire le nouveau roman de Claude Carré, on se dit que Nelly, l’héroïne et narratrice, l’a bien compris. Rien n’est épargné par ses commentaires féroces et pleins d’humour, humour noir bien sûr, et autodérision. Toute l’originalité et le talent de ce roman tiennent dans son style, qui est celui de Nelly, et l'on ne peut s’empêcher d’évoquer La Vie devant soi de Romain Gary, tant le langage, par la force de l’humour, parvient à rendre pittoresque une réalité pourtant sans pitié.