Tous les bateaux ne prennent pas la mer

Qui est ce grand homme un peu voûté qui offre un bateau à un jeune moussaillon ?

Le récit commence par une lettre de Giorgio adressée à Joëlle, Florence, Max. On reconnaît sur la page de gauche l’homme au bateau. Sa lettre fait état de « blessures dont je suis responsable » et d’une maquette. De sa silhouette colorée, figée dans la page blanche se dégage un sentiment d’étrangeté. La page suivante, pleine de couleurs et de jouets présente une femme et deux enfants à table. Le petit garçon tient dans ses mains un bateau qui devient ainsi un lien d’une page à l’autre dans cet album au titre énigmatique.

La lettre suivante, celle de Joëlle, découvre un peu du mystère : la fillette est mal, le garçon voit les choses de façon plus positive. Quant à elle, figée dans la page comme Giorgio, elle demande le divorce. Il faut attendre les pages suivantes pour lever le voile véritablement. Une camionnette de la Poste jaune est devant un bâtiment de briques, protégé par des caméras et des lumières, c’est l’extérieur ; à l’intérieur, des portes fermées, des gardiens qui dominent un wagonnet de la poste chargé de courrier… on est en prison !

Sans texte encore, on pénètre dans la cellule de Giorgio. Au mur, il affiche des dessins d’enfants et tout s’éclaire définitivement avec la certitude des rôles. Max a posté pour son père des dessins en même temps que la lettre de divorce de Joëlle.

La lettre suivante est logiquement adressée aux enfants. Le dialogue n’est pas interrompu avec eux mais la mère s’est effacée. Les liens sont coupés avec sa fille et ce en dépit des cadeaux qu’il lui fait, l’image où elle piétine la vedette qu’il a fabriquée pour elle est cruelle.

Pendant que le récit par lettres de Germano Zullo s’écrit en caractères un peu vieillots de machine à écrire, les images pleines de couleurs d’Albertine, sans paroles, distillent un mal être que ne dissipent pas les échanges père–fils.

Florence a 27 ans à présent et c’est la réconciliation. Une fin douce et tendre conclut cette histoire forte comme savent les construire leurs auteurs.

Un album tout en nuances qui parle de façon juste de l’emprisonnement, des conséquences pour les uns et les autres. Un livre qui n’accuse ni n’excuse rien ; on est touché parce que chacun des personnages est en peine, on essaie de comprendre, on compatit.