Toxic Girls

Un avant et un après. Quatre amies, Ellory, Ret, Jenni et Bex étaient inséparables jusqu’à ce qu’un drame fasse exploser leur groupe et change leur vie à jamais. Est-ce lié au fait qu’Ellory, dont on adopte le point de vue, a rencontré Matthias et ainsi délaissé sa meilleure amie (et la leader du groupe) Ret ? La jeune fille va-t-elle réussir à surpasser les souvenirs de cet autrefois heureux et survivre à son année de terminale qu’elle doit passer seule, abandonnée par ses amies et son petit ami et rongée par les remords ?

En soi, le postulat de départ n’est pas des plus originaux, mais il a la qualité d’être très prenant. La structure temporelle bipartite autour de l’événement mystérieux qui a tout fait basculer infuse en effet un suspense assez grisant jusqu’à la dernière page du roman. En suivant les indices disséminés tout au long de l’histoire, le lecteur pourra se douter assez vite de la nature de ce qui a pu se passer entre les protagonistes pour faire exploser le groupe. Toutefois, la révélation finale devrait lui réserver quelques surprises bienvenues… En résumé, on ne s’ennuie pas et on n'a qu’une envie : dévorer les pages pour enfin savoir le fin mot de l’affaire.

Les références récurrentes à Gossip Girl (la série télévisée, et non les livres) et à des institutions américaines plus ou moins à la mode (la chaîne Panera Bread, les magasins Hot Topic, etc.) indiquent le public cible pour lequel a été pensé le roman. Mais on retrouve également quelques références plus surprenantes, comme celles au très joli poème du fameux Robert Frost, The Road Not Taken. Si les lecteurs anglophones sont sûrement familiers de cet auteur et de ce texte, les ayant étudiés en classe comme les héroïnes du roman, peut-être les lecteurs francophones auront-ils envie de les découvrir.

Dès le début de l’histoire, la narratrice, Ellory, fait usage de métaphores parlantes et très sympathiques pour décrire la situation dans le groupe d’amies (elles sont comparées à un système solaire, chacune occupant une place précise et toutes tournant autour du soleil, Ret) et celle dans laquelle elle se trouve après la dissolution de celui-ci (Ellory présente ses entrailles comme étant en feu puis en cendres, chaque coup porté par la vision de ses anciennes amies détruisant un peu plus ses émotions fragilisées par le drame vécu). Cependant, à force de répéter à tout bout de champ ces métaphores, même poétiques, dans l’entièreté du roman, elles en deviennent lassantes et leurs réitérations ont presque tendance à faire sortir le lecteur de l’histoire, car il en vient à attendre leur survenance, voire à les compter. La métaphore du système solaire ne sert pas qu’un but poétique, elle est aussi bien représentative du cœur du problème relationnel que vivent les protagonistes. En effet, les relations amicales toxiques, la figure de manipulatrice narcissique qu’incarne le personnage de Ret et la dynamique créée dans un groupe d’amies que finalement peu de choses rapprochent sont bien rendues, et confèrent à cet « avant », à cette période qu’Ellory conçoit comme un paradis perdu, un côté plus réaliste car on se rend compte que tout n’était pas si idéal.

Outre la dimension de mystère et de suspense, une qualité du roman se situe dans son message : il faut savoir pardonner aux autres mais le plus difficile et le plus important est de se pardonner à soi-même, pour avoir fait du mal, s’être fait du mal et s’être laissé faire du mal. Loin du côté superficiel que sous-entend le titre « francophone » du roman (son titre original, See All The Stars, est davantage énigmatique), celui-ci est bien plus mélancolique qu’on pourrait le croire et donc plus intéressant aussi.