L'épouvantable peur d'Epiphanie Frayeur

Epiphanie Frayeur, huit ans et des poussières, a peur de son ombre. Littéralement, car l'ombre en question est une espèce d'immense chose noire et gluante à grande bouche, reliée à la petite fille par un cordon ombilical difficile à couper. Epiphanie a peur, oui, mais elle entretient un drôle de rapport avec ce monstre qu'elle n'aime pas non plus voir maltraité… Elle pleure, s'énerve, puis le serre dans ses bras et l'embrasse.

Cheminant dans la forêt, elle va faire différentes rencontres, du Docteur Psyche à un guide qui a perdu son sérieux en passant par un chevalier sans peur et sans reproche et un cirque ambulant. Elle réfléchit, réfléchit, et finalement décide d'elle-même de couper les ponts avec sa peur. Son ombre devient alors une mignonne petite créature grosse juste ce qu'il faut. C'est une nouvelle naissance pour notre héroïne capable de se tourner vers son avenir.

La thématique est parfaitement adaptée à un lecteur de l'âge d'Epiphanie, craintive de grandir bien sûr, suffisamment mature pour comprendre sa difficulté, mais encore trop enfant pour la surmonter seule. Elle sait toutefois mettre des mots sur son problème et interroge des gens plus étranges les uns que les autres, des aidants chacun à leur manière, qui la nourrissent de leurs expériences. Nous suivons pas à pas ses aventures dans un paysage de nature sauvage – le dessinateur parle de jeu de l'oie, et il en propose même un en accompagnement du livre.

Lorsque Epiphanie ose enfin prendre son indépendance, ses cheveux symboliquement hérissés deviennent disciplinés, comme apaisés. L'univers légèrement gothique, souvent sombre, s'éclaircit aussi, mais pas tant que cela car il constitue l'essence de l'ouvrage. Il s'agit d'un objet hybride et réussi, qui reprend certains codes de l'album (sujet enfantin, fonctionnement par rencontres) et de la bande dessinée (dynamique de cases en cases, dialogues par bulles) pour un message des plus naturels et des plus humains.