Le double

Xavier compte des pièces que des ouvriers produisent. Chaque mois la cadence augmente, on demande aux ouvriers de produire plus. Xavier compte combien de pièces en plus sont produites. On demande ensuite aux gens de travailler le samedi matin, le samedi après-midi, le dimanche puis le soir aussi. Xavier est très fatigué, il n'en peut plus, il va voir son patron pour lui faire part de sa décision de quitter l'entreprise, un peu angoissé parce qu'il a peur de lui faire de la peine. Celui-ci, avec un grand sourire, l'envoie dans une espèce de boutique où Xavier se fait dupliquer. Le lendemain Xavier revoit son chef qui lui explique que le double fera tout ce que Xavier ferait normalement en dehors du travail, il passera l'aspirateur, appellera sa maman pour lui souhaiter un joyeux anniversaire, il sortira peut-être avec une fille et comme ça Xavier pourra continuer de travailler. Xavier travaille dur, toujours plus dur, il est toujours plus fatigué. Arrive le jour où il se pose La question : et si c'était moi le double ? Il décide de s'enfuir – il ne peut pas rentrer chez lui puisque c'est son double qui y habite –, il part à la mer et se met à vendre des crêpes.

Quelle virtuosité dans ce magnifique album ; textes ciselés par Davide Cali, sobres, simples, angoissants, pas de froufrou non plus pour la police, la seule variable étant le changement de taille des lettres comme pour scander ce long monologue. Les illustrations hyperréalistes – presque soviétiques – sans fioriture aucune de Claudia Palmarucci ajoutent au texte un sentiment de malaise et à l'inexorabilité de l'histoire. Les deux auteurs tiennent le lecteur en haleine tout au long de l'histoire. Et alors, et alors, et alors ? Non, Zorro n'est pas arrivé ! Mais la tension retombe grâce au choix de la fin : faire des crêpes, nourrir son prochain, n'est-ce pas la plus jolie façon de faire un pied de nez à toute l'angoisse du travail, de la performance, du clonage ?