Maman Chonchon

Avec ses petits bras, son visage rond et sa robe imprimée Maman Chonchon a vraiment bonne mine. Si l’on ajoute à cela qu’elle semble faire d’excellentes confitures, et qu’elle prépare avec amour de délicieuses tartines, on comprend que ses enfants, 3 petits cochons, rechignent à quitter le domicile maternel. Pourtant, Maman Chonchon les met littéralement à la porte. Las, las comment faire face ? Le premier confectionne une maison en paille, le deuxième une cabane en bois, le troisième bien évidemment construit une maison en briques. On reconnaît sans peine le conte des trois petits cochons. Arrive donc le loup et rien ne se passe comme dans le récit traditionnel. Maman Chonchon avait bien prévenu qu’elle viendrait voir souvent ses enfants…. Elle sauve ingénument le premier, terrorisé dans sa maison de paille. Elle arrive in extremis chez le second pour détourner, en pleine candeur, le loup de ses mauvaises intentions. Enfin, elle pousse la gentillesse, en toute inconscience, jusqu’à inviter le loup chez le troisième cochon autour d’une assiette de crêpes.

Tout le sel de cette histoire tient au caractère incroyable de Maman Chonchon, sa « bienveillance » extrême confine à l’aveuglement. Bien qu’elle soit lucide sur la nécessité de laisser les petits cochons vivre leur vie, elle intervient sans arrêt. Son amour maternel envahissant anesthésie les cochonnets jusqu’à la chute finale grinçante à souhait.
Le loup est, quant à lui, méchamment sympathique. Hirsute, avec ses grandes dents, il est plus loup que nature mais il garde de la tradition un côté peu futé, maladroit, naïf. Conjugué à la tendresse débordante de la mère, ce couple narratif fonctionne très efficacement. D’autant que l’auteure alterne les points de vue, d’abord Maman Chonchon puis le loup à chaque épisode, à égalité, jusqu’au dernier mot laissé au loup.

Texte de Christine Naumann-Villemin et images de Marianne Barcilon rivalisent d’ironie et d’humour. Le langage de Maman Chonchon est dégoulinant de bisouilles et de bons sentiments. Voir le loup porter les 3 petits cochons dans ses bras, devant les yeux admiratifs de la mère est un raccourci de la méprise/sottise maternelles. A aucun moment elle n’identifie le loup et entraîne ses enfants dans le mur, pour le plus grand plaisir du lecteur qui en sait bien plus que les personnages. Doit-on vraiment y voir un encouragement aux parents pour qu’ils laissent de l’initiative aux enfants, et un avertissement aux enfants pour qu’ils assument des responsabilités ? Sans doute, mais c’est d’abord une histoire vraiment drôle, traitée avec brio. Un régal.