Le livre de Perle

Dans un lointain royaume, un jeune prince, Ilian, vivait isolé, mis en danger par son frère tyrannique. En grandissant, il tombe amoureux d'Olia, jolie fée qui voudrait devenir mortelle pour vivre son amour. Mais la jalousie du frère d'Ilian amène à faire passer ce dernier dans un monde parallèle, le nôtre. Quasi-amnésique, Ilian est recueilli par un couple de confiseurs, les Perle, et prend le prénom de Joshua. Lorsqu'éclate la Seconde Guerre Mondiale, Joshua quitte les Perle pour aller se battre. Il ne sait pas qu'Olia l'avait enfin retrouvé, et que les Perle vont être déportés. A la Libération, celui qu'on appelle désormais simplement Perle reprend la boutique et part à la quête de tous les signes magiques sur terre, les conservant dans des petites valises au fond des bois... C'est là que les trouvera un narrateur beaucoup plus jeune, qui accompagnera Perle dans sa vieillesse, peut-être sa renaissance, tout en se promettant finalement d'écrire Le livre de Perle...

Timothée de Fombelle use de récits enchâssés, de personnages qui se croisent, de temps que nous ne comprenons qu'au fur et à mesure de la lecture. Il est question de contes de fées, de la grande Histoire, du vécu de chacun et de la façon dont les destins s'influencent, dont les amours se perdent... La mémoire est au cœur du roman, symbolisée avec délicatesse par ces multiples valises : tous, nous cherchons un absolu avant de mourir le plus souvent sans l'avoir découvert. Perle aura davantage de chance puisque l'intrigue est merveilleuse, et c'est finalement une impression de sérénité qui se dégage du roman, malgré la violence de certains passages (notamment à propos des Perle déportés, un appel à la tolérance envers l'autre, Ilian-Joshua étant lui aussi un être différent).
L'écriture d'une finesse rare avec ses phrases courtes, évidentes, et ses aperçus pudiques sur les psychologies des personnages captive dès les premières pages, tandis que nous mesurons peu à peu la portée universelle de l'histoire, ses interrogations si nombreuses que chacun « méditera » littéralement le roman. A noter encore, geste presque coquet de l'auteur, les doutes exprimés quant à la gestation d'une histoire, la façon impalpable voire erratique dont on passe d'un projet photographique (!) à une découverte inattendue et enfin à une ambition scripturale. Cet autre cheminement est celui du seul « je » du roman, le plus jeune personnage, que nous voyons grandir avec ce livre de Perle en lui. L'ouvrage, dont l'imaginaire doux et fantastique m'a un peu fait penser au regretté Pierre Bottero, est à savourer en se hâtant d'une lenteur nécessaire, ce qui n'est que le premier de ses paradoxes.