Le Merveilleux

Inde, fin du XIXe siècle. Un homme, forgeron au fond des montagnes, trouve un saphir énorme. N'accordant pas de valeur à l'objet, il pense l'utiliser pour aiguiser des lames. Au même moment, simplement accompagné d'un guide, un soldat anglais démobilisé parcourt le pays afin d'acheter à très bas prix des pierres précieuses aux autochtones. Le « Merveilleux » est échangé contre deux sacs de sel. Une fois retourné en Angleterre, l'homme est la proie d'angoisses à propos de son comportement abusif. Il décide de vendre le bijou.

Le héros du roman n'est en aucun cas humain : le saphir brille de sa présence à travers toutes les mains qui le touchent, et c'est lui qu'on aurait envie de parer de qualités. Maudit ? Reflet de l'âme humaine ? Au lecteur évidemment de trouver la réponse, en suivant cette histoire aussi courte que riche en rebondissements. Les passages narratifs, racontés d'une voix extérieure qui sait tout, alternent avec le cœur du roman, à savoir des lettres du soldat anglais envoyées à un ami. Chacun y trouvera donc son épisode préféré, en plein cœur d'une société disparue, mais aussi vénale que la nôtre.
Si la fin s'accélère, les dernières pages se referment sur une certaine pureté, et une boucle bouclée qui ravit : aussi précieuse que l'homme en ait décidé, une pierre reste liée aux forces terrestres, à une nature profonde et innocente. Mais entre temps, des considérations sur la colonisation, sur les castes indiennes, sur les relations conjugales, etc., se suggèrent au fil des tribulations du Merveilleux. Et toujours, l'écriture délicate de Jean-François Chabas, subtile dans sa moindre formulation, sait nous faire réfléchir sur l'humain à partir de son environnement. Aventure et philosophie sont au rendez-vous : pas merveilleux, mais parfait.