Yok-Yok (T. 1). Une noix

Yok-Yok est de retour ; on peut le retrouver dans cinq albums, et à la rentrée de septembre deux nouvelles aventures viendront encore compléter les tribulations du petit lutin au chapeau orange. Si Yok-Yok a incontestablement la fibre écologique, il a aussi la curiosité et la soif de découvertes qui caractérise le jeune enfant. C’est ainsi que de livre en livre, on côtoie entre autres des champignons, un escargot, un gros chat, des monstres et bientôt un martinet, la pluie…
La palette d’Etienne Delessert est riche, il sait se mettre à hauteur d’enfant, c’est-à-dire en un lieu où règne la simple faculté de regarder vraiment, de s’émerveiller ou de s’étonner.
Un de ces albums, sobrement intitulé Une noix, est en quelque sorte celui de la renaissance, du retour. Et tout commence avec un ours ; au sortir de sa sieste sur un arbre, le plantigrade fait tomber deux noix qui sont aussitôt récupérées par un corbeau, bien décidé à les déguster ; mais de l’une des noix sort Yok-Yok, de l’autre une souris et une chenille, nouvelles compagnes du lutin. On apprend alors que ce dernier avait dormi pendant trente ans dans la coquille, victime du mauvais sort jeté par la « fée Carabosse ».
Ce bref album est l’illustration parfaite de la lecture riche et plurielle que peuvent offrir les bons livres pour enfants ; car seuls certains adultes comprendront les allusions au mauvais sort de Carabosse (un studio cinématographique du même nom a été créé par Delessert dans les années 1980, mais lâché par un producteur, il a fait faillite), tandis que les lecteurs de tout âge goûteront, chacun à sa façon, les clins d’œil, les allusions, les échos : une chenille qui refuse de grandir, et donc de voir son corps se transformer, une souris qui a déjà fureté parmi d’autres albums de l’artiste, une lune aussi, dont le lever relève ailleurs également d’une savante machinerie.
Et cette fin qui sonne si juste, si apaisante, évoquant l’essor des trois comparses pour de lointaines aventures : « Et, la nuit suivante, ils ont dormi sous mon oreiller. » Est-ce l’enfant ou le créateur qui parle ? On ne le sait pas et c’est bien ainsi. Car Yok-Yok est un petit être insaisissable, toujours parti et toujours partant, et le sommeil qu’il trouve en fin de volume, on le pressent, n’a rien à voir avec celui du début : pas d’enfermement, pas de mauvais sort, juste la bonne fatigue d’un explorateur à qui le monde s’ouvre, mais pour l’instant il se repose, en un lieu lui aussi riche de résonnances enfantines.