La chasse à l'enfant

Jack a littéralement fui une famille bourgeoise étouffante pour devenir berger à la frontière espagnole. Il s’est construit une vie douce qui lui convient, accompagnée de l’amour sans contraintes de Natacha. Mais à la mort de son père, un détective mandaté par cette famille retrouve Jack.
Parce que l’épisode du détective l’a déstabilisé, Jack commence à écrire des souvenirs dans un carnet, et c’est ces réminiscences douloureuses que nous lisons. Depuis les odieuses vacances à l’Ile de Ré jusqu’à la maison de correction dans les Alpes, elles composent le portrait d’un petit garçon qui aurait largement pu être brisé s’il n’avait possédé des capacités élevées d’introspection. Il a cru parfois trouver, en la personne d’une cousine, d’une grande sœur, d’un ami…, des gens qui oseraient se rebeller avec lui. Mais il a finalement du trouver seul son moyen de survie : la disparition pure et simple. Et pourtant, devenu adulte, il semble au fond ne jamais avoir cessé d’aimer cette famille qui brimait ses aspirations. La demande inattendue, scandaleuse du détective va toutefois le convaincre de tirer définitivement un trait sur le passé, pour se consacrer à l’avenir, avec Natacha enceinte. Gisèle Bienne est une écrivaine de l’émotion, de la sensibilité brute. De Jack, on ne connaît que sa parole. Le concret se réduit à quelques éléments : un lit à baldaquin, une tartine de miel, une culotte de laine qui gratte… Tout le reste n’est que nature sauvagement belle et complexité des sentiments. Le résultat confine à une légèreté d’écriture paradoxalement très forte, les personnages étant solidement ancrés dans la vie et ses aléas. Un roman à la fois poétique, mélancolique, et plein d’espoir.