Le bon Dieu se cache dans un nuage

1790-1792, Saint-Domingue. Simon a épousé la métisse Anya, et ils montent ensemble une plantation de café. Enceinte, la jeune femme écrit à sa belle-mère en Vendée, Lise. Des évènements interrompent son récit : l’île s’embrase des révoltes d’esclaves contre les propriétaires blancs. Par-delà les mers, Lise a peur pour son fils et sa famille. A juste titre.
Le Bon Dieu se cache dans un nuage est la suite d’Entre eux, la rivière (lui-même entremêlé à Vanille, Flibustière des Antilles). L’aubergiste Lise a vieilli, son fils Simon est parti dans les colonies françaises. Comme précédemment, l’auteur tisse une narration de dentelle, qui passe de voix en voix, adopte tantôt la forme du journal, tantôt celle du récit classique focalisé ou non sur un personnage. Les souvenirs des uns et des autres sont régulièrement convoqués pour recomposer des existences pleines et volontaires en de beaux portraits fragmentés. Les femmes sont encore au coeur de l’histoire, à la fois passionnées et réfléchies, tisseuses de liens et porteuses de vie. Cherchant envers et contre tout à reconstruire son monde détruit, la courageuse Anya n’a en effet rien à envier à Lise : il n’était que justice que les deux se rejoignent. Les bouleversements de l’époque sont rapportés avec précision dans un cadre très naturel, Simon étant ami de Toussaint Louverture – le plus connu des abolitionnistes – et côtoyant bien d’autres acteurs de cette période violente. La mise en regard avec les événements de France (la chouannerie contre les Républicains, les préludes de la Terreur) via Lise se révèle pertinente. L’écriture est délicate, les rebondissements et les émotions atteignent avec finesse : un moment de lecture abouti pour ce qui est devenu au fil des ouvrages une véritable saga familiale, à lire à tout âge.