Le Rire des Goélands

David, une vingtaine d’années, travaille de nuit à la chaîne d’une usine d’automobiles. Lors d’une pause, il rencontre sur le toit Marlene, jeune ouvrière elle aussi. Elle lui raconte l’histoire des étoiles. Pour ne pas être en reste, David s’invente un passé, qu’il étoffe de lectures à la bibliothèque. Marlene n’est pas dupe, mais accepte ces rendez-vous. Ensemble, ils feront un voyage imaginaire au Chili, pays de Pablo Neruda. La mobilisation autour d’un collègue dont la femme a été injustement renvoyée de la chaîne précipite leur rapprochement : David et Marlene sont prêts pour une vie à deux réelle…

Sur un fond économique noir, de solitude, les étoiles et les rêves permettent de survivre et d’aimer. Tel semble être le message de l’auteur, qui nous offre un roman d’amour hors normes. Basé sur des mensonges, des bribes de temps volées à un travail asservissant, cette attirance aurait pu s’étioler rapidement. La poésie de Pablo Neruda, qui engendre chez Eric Menten une écriture elle aussi profondément poétique, sauve les deux jeunes gens. Dans la narration, le glissement de la réalité au voyage imaginaire au Chili est très subtil : les protagonistes se retrouvent brusquement emportés dans un rêve commun. On se demande si, sans cette soupape de liberté, ils auraient eu le courage de créer un cercle de manifestation autour de la collègue victime de licenciement abusif. Le cercle vertueux de la liberté de penser, en quelque sorte… Un roman exigeant, de bonne qualité, à conseiller à des lecteurs aguerris.