Paroles de baskets (et autres objets bavards)

Ce nouveau livre de Bernard Friot est un texte à tiroirs. Les préliminaires sont fondamentaux puisqu’il s’agit d’un art d’écrire à l’usage des jeunes lecteurs-lectrices , une grammaire de l’imagination comme disait Gianni Rodari. L’auteur-narrateur s’exprime. À son bureau, il écrit « un jour… » et, dit-il, le texte a parlé de lui-même, Enzo s’est imposé avec une petite phrase :

« Un jour, mon réveil m’a dit :
"Enzo, lève-toi, mon gros !" »

L’auteur-narrateur en déplie les conséquences. Cette phrase simple, d’apparence banale, inclut la notion de pacte de lecture : un auteur écrit une petite phrase « il était une fois » ou « aujourd'hui maman est morte » et instantanément l’auteur installe son lecteur dans un univers particulier. Ici, l’auteur-narrateur déploie l’implicite, il parle de son héros, un petit gros un peu paresseux, il développe son environnement, famille, habitudes etc… Il dessine une carte du personnage. Grand pédagogue, et auteur malicieux, Bernard Friot installe ses lecteurs au sein de l’écriture et dans le dialogue, il introduit la notion de possibles narratifs : deux fins possibles pour les mêmes prémisses.

À partir de ces données, l’auteur écrit des nouvelles qui répondent exactement au titre « paroles de baskets et autres objets bavards ». Sur l’oreiller, une histoire d’amour, pourquoi Enzo porte ce prénom ; sur le cartable, une histoire de temps qui passe, une petite mort. Chaque nouvelle a sa coloration et le futile peut nous mener loin. Ainsi les baskets qui s’enfuient laissent la place à des babouches « étrangères », rejetées, sans papiers ; étrange et douloureuse histoire en prise directe avec la vie dont entendent parler les enfants. Brèves histoires à la fois quotidiennes, émouvantes, drôles pour inviter chacun à écrire : les pages blanches finales nous y invitent, saurons-nous y résister ? Un texte vraiment intéressant aussi bien pour comprendre ce qu’est l’écriture que pour le plaisir des histoires qui nous sont racontées. Magistral !