Moon brothers

L’écriture de Sarah Crossan est profondément moderne : à la fois directe, nerveuse, courte, mais aussi fluide et compréhensible intuitivement, poétique. L’autrice joue des sonorités, de la disposition dans la page, et Clémentine Beauvais, dans le rôle de traductrice, excelle à rendre cette prose en vers libres. Mais tous les sujets ne se prêtent peut-être pas à un tel traitement, et Sarah Crossan sait toujours trouver la thématique actuelle, engagée, dont le contenu va résonner sur la forme.

Joe Moon a grandi alors que son grand frère Ed était en prison au Texas. Pendant dix ans, il ne l’a jamais vu. Son père est mort quand il était petit, sa mère alcoolique a quitté la maison et une tante autoritaire a pris le relais comme elle le pouvait. Il a une sœur, et il est bon en sport. Et puis le verdict tombe : condamnation à mort. Ed est-il seulement coupable ? Joe n’en sait rien, mais il prend toutes ses économies et file au Texas pour un été décisif.

Joe est le narrateur de ce récit en micro-chapitres qui permettent d’osciller entre présent et souvenirs qui l’éclairent, qui permettent aussi des incursions rapides et profondes dans la psychologie de Joe. Porte-t-il les gènes de la délinquance en lui ? Sa famille dysfonctionnelle et pauvre est-elle la cause de leurs malheurs ? Le fait que Ed soit ou non coupable fait-il une différence ? La justice est-elle juste ? Sarach Crossan se garde bien de donner des réponses, ni même un happy end. Elle choisit le réalisme dans un écrin de délicatesse qui rend le roman d’autant plus puissant. Bravo, encore.