Ma petite bonne

Nous sommes au début des années 1990, à Beyrouth. La famille de Nada « achète » une jeune domestique éthiopienne. Intelligente, discrète, Ife ne cesse de faire le dos rond sous les insultes de la grand-mère. Au début, Nada adhère à la « kafala », esclavage moderne. Mais de menus événements, l’opinion contraire de son frère, et enfin le sauvetage d’une autre domestique finissent par lui dessiller les yeux : Ife, qui a le même âge qu’elle, ne mérite pas ce qui lui arrive sous prétexte qu’elle n’est pas née au bon endroit. Il faudra plus longtemps à la grand-mère pour admettre la place centrale qu’aura occupé Ife dans la famille.

Jean-François Chabas porte ce roman depuis des années en lui, et malheureusement la kafala n’a pas cessé au Liban. Ni dans d’autres pays ailleurs, France incluse… Ecrit au passé et en « je » du côté des nantis, le récit marque par ses situations dures vécues comme normales, puis son avancée subtile, et enfin sa fin malgré tout heureuse, presque drôle s’il ne s’agissait pas d’années de servitude. Une œuvre utile dans le meilleur sens du terme !

« Une véritable bataille s’est livrée dans mon crâne. J’étais dégrisée, lucide et morose. Parce que ce qui était en train de se passer m’obligeait à sortir de moi-même. J’aimerais tant pouvoir dire que j’ai éprouvé une révélation, celle de ma sororité avec cette fille de mon âge, celle de la nécessité de la traiter en égale. Mais l’inverse s’est produit. Je m’aimais beaucoup trop pour m’embarrasser de quelqu’un d’autre. » (p. 62)