Les petits pas perdus

Au sein d’un village africain « typique », avec ses cases ocre, son atmosphère de relative indolence et son petit marché où quelques produits attendent dans des bassines, une fillette agenouillée nous parle : « J’écoute les bruits du dedans et du dehors. Les bruits de chez nous. Pour pas que je les oublie ». Son regard et son monologue intérieur détaillent sa relation au monde qui se révèle. Nous faisons la connaissance de son père, le décideur, de son frère, Il-le-Petit, et de Maman. Tous vont prendre la route puisque, comme le décrète Papa, « [u]n an ailleurs, c’est mieux que dix ans ici » ; « là-bas, c’est mieux », là-bas vers le Nord. C’est avec ce viatique qu’on passe de la communauté villageoise vivante et chaleureuse aux étendues arides, effrayantes pour les enfants qui craignent serpents et scorpions. Mais le pire est à venir : le voyage sur la mer inconnue et l’arrivée en ville.

Le récit linéaire est accompagné des remarques et pensées de l’héroïne qui, pour se réconforter peut-être, ou se donner du courage, égrène des verbes d’action à l’infinitif où s’expriment la fatigue (se reposer, marcher) mais aussi l’élan (écouter, sentir, respirer).

Sans misérabilisme, le texte de Gérald Dumont et l’illustration de Xavière Broncard exposent une réalité rude : les passeurs avides, la traversée risquée et la terrible interpellation policière. Mais la médiation par la voix enfantine, les couleurs chaudes et les formes épurées confèrent au récit une force digne. Cette histoire, avec son titre évocateur, résonne comme une odyssée singulière, un peu désespérante. Elle affirme haut et fort la force humaine et la valeur des migrants.

« C’est ce qui fait avancer, qui fait que tu es toi. C’est ton sac. Partout où tu vas, il te suit. Tu es formidable. »

Tout en douceur, un récit fort.