Qui va me manger ?

C’est avec une curiosité toujours plus émerveillée que l’on se plonge dans les ouvrages d’Émilie Vast. L’autrice de Plantes vagabondes (2018) et de Jusqu’en haut (2019), éditée chez MeMo, n’a pas son pareil pour nous ouvrir les yeux sur les richesses irrésistibles du monde vivant. Cette fois, le sujet porte sur la chaîne alimentaire : à hauteur d’enfant, on se promène dans le jardin pour observer les petites bêtes se dévorer les unes les autres le plus naturellement du monde. Tout commence par une rose fanée à cause d’un puceron qui en a aspiré la sève et qui bientôt va se faire manger par une coccinelle, qui elle même fait les délices d’une araignée et ainsi de suite jusqu’au renard qui devra mourir à son tour. Puis ce sont les fourmis qui entrent en scène, suivies par la truite qui finit cuisinée dans l’assiette. Et nous ? Qui donc va nous manger ?, interroge malicieusement l’autrice à la fin de l’ouvrage. Ni le requin, ni le loup, ni le tyrannosaure aujourd’hui disparu. Alors qui donc ? On laissera le lecteur découvrir le mot de la fin, si tant est qu’il y ait une fin puisque, comme chacun sait, la nature est un éternel recommencement.

Réalisés à la palette graphique, les dessins d’Émilie Vast ont cet art du trait juste qui allie la finesse et l’élégance. Sur un papier qualitatif blanc ivoire, les animaux et végétaux apparaissent bien distincts avec leurs aplats de couleur vive rehaussés de noir et un certain sens du détail qui n’échappera pas à la sagacité des plus petits. Formidable terrain de jeu, les albums nature d’Émilie Vast deviennent alors, plus qu’un support de récit, un véritable objet-plaisir vers lequel on ne se lasse pas de revenir.