Presque une histoire de loup

Il est bien primesautier ce louveteau qui partage la couverture avec une enfant encapuchonnée de rouge au milieu d’une forêt! Ce tableau convoque évidemment le conte du petit chaperon rouge tout de suite démenti par un titre intriguant : Presque une histoire de loup. Quelle est cette « presque » histoire  annoncée par le titre ? L’énigme est lancée, tournons la page !

Chemins interrompus dans le bois, traces de pas conjoints du loup et de l’enfant sur les pages de garde, le jeune lecteur est conduit à s’interroger: amis ou pas; rencontrés, égarés ?

Enfin l’histoire démarre; Helga s’ennuie et elle met en équation ce qui fonde un grand nombre de récits: l’intervention inopinée d’un « ennemi », un loup par exemple et les conséquences attendues, c’est « terriblement effrayant mais vraiment palpitant ! ».

Avec malice, Marine Schneider met en parallèle l’ennui d’Helga, vue de face et celui du jeune loup de la couverture, vu de dos… Tous deux sont présentés dans des univers confortables, maisons bien chauffées et fauteuil bourgeois. Le texte s’amuse et joue l’effet miroir « Heureusement, au milieu de ce bois, il était une fois un loup qui s’ennuyait lui aussi ».

Entre loup de fiction qui fait peur et loup réel, quelles différences ? Entre enfant de fiction, celui qu’on croque, et enfant réel, comment faire ? Marine Schneider pose au jeune lecteur le dilemme au travers d’images parallèles très humoristiques: Helga qui n’a peur de rien « sauf du loup » ferme un œil et garde l’autre ouvert, même chose avec l’œil inverse pour le loup. Dans cette réciprocité enfant/animal, Marine Schneider pousse la fantaisie à l’extrême: Helga décide d’écrire au loup pour une rencontre; le loup qui accumule bonnets et écharpes égarés, lance un mail d’avis de recherche de propriété. L’autrice prend la peine de signaler la difficulté de taper sur un clavier avec des griffes et loue sa persévérance. Hélas, la nature est contre eux, le facteur s’embourbe, la neige persiste… la rencontre échoue. Déception ? Pas sûr, après l’hiver, peut-être...

Un album jubilatoire, à l’itinéraire singulier, commencé dans l’ennui et achevé dans le dépit, l’autrice illustratrice se joue des clichés et des codes de la littérature jeunesse. Son style, couleurs vives, jeu de lignes verticales qui rythment les images, atmosphère sage créée, contraste avec la narration loufoque. Tout est en place pour valoriser et mettre en perspective les forces de la fiction. Tout est possible. Ou presque !