Stella, qu'est-ce qu'on va faire de toi ?

Elle est vraiment rigolote Stella, lumineuse petite fille. Dans un éclat de rire, la tête en bas, les pieds en l’air dans une posture improbable, sur fond gris et soigné, elle se moque de la question du titre : « Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? ».

Qui dit cela ? Page après page, comme autant d’épisodes d’une comédie familiale, interviennent les membres de sa « tribu ».

Cela commence de façon très romantique. Un jeune couple, les yeux au ciel, rêve face aux étoiles. La jeune femme enceinte est la mère de la sautillante Stella. Cette page de garde, ce prénom filent la métaphore de l’enfant dédiée aux étoiles, qui forment pour elle, un destin assigné par les proches.

Premiers intéressés au sort de la petite, les parents. Pour le père, Stella sera astronaute ; pour la mère, elle sera une étoile de cinéma.

L’humour de l’écriture se révèle dès ce premier épisode : chaque parent voit l'enfant à la lumière de ses intérêts et de l’image qu’il a de lui-même. Le père se sait « intelligent », la mère s’admire comme actrice. Outre les personnages figés dans des stéréotypes genrés, l’illustration grossit le trait : père avec ordinateur et longue-vue, mère à sa table de maquillage.

Des indices discrets aiguisent la curiosité du lecteur : Stella ne regarde pas du tout dans la direction de son père et, lors de la séance de maquillage avec sa mère, elle dessine sur son visage un nez rouge. Même si elle a l’air d’acquiescer (« Oh oui ! Des étoiles ! »), les échanges s’achèvent par une formule à la fois claire et sibylline : « Mais [l’astronomie], [la comédie] n’intéressa pas Stella plus que ça ».

Cette structuration rythme le récit. Chaque membre de la famille trace l’avenir de Stella, danseuse comme son Papi, pâtissière comme Mamie, cow-boy comme son oncle, nageuse comme sa tante. La situation est résumée par les autrices : « Stella faisait de son mieux pour faire plaisir à tout le monde ». Mais, cape sur les épaules, elle va se révolter contre cet avenir écrit sans elle.

Dans cette belle histoire, dans cette famille ouverte, l’histoire finit bien et le lecteur participe à la joie finale. Nous adhérons à la morale discrète et efficace de Christine Naumann-Villemin qui plaide auprès des enfants pour qu’ils osent défendre leurs choix et leurs compétences et auprès des parents pour qu’ils les acceptent. Le crayon très agile de Sibylle Delacroix et la bichromie (gris et jaune) utilisée mettent les pleins feux sur Stella qui attrape si bien la lumière. À elles deux, avec une assurance modeste et détermine, elles jouent une partition subtile, vraiment bien vue et bienvenue.