Sur le modèle d’une comptine, dix petits soldats « partent à la guerre, la fleur au fusil, le sourire aux lèvres » mais un à un, ils sont contraints de battre en retraite, victimes d’un événement fâcheux : le premier se tord la cheville, le deuxième souffre d’une grosse allergie au pollen, le troisième a tellement mangé qu’il ne peut plus passer la porte, et ainsi de suite... De fil en aiguille, les petits soldats sont de moins en moins nombreux et de moins en moins vaillants, bientôt il n’y en a plus qu’un, il ne lui reste qu’à enlever son bel uniforme rouge, son grand chapeau noir et à déposer son fusil. Sous une apparente légèreté, Gilles Rapaport traite ici d’un sujet qui lui tient à cœur, la guerre. Il a déjà publié chez Circonflexe un album remarquable, d’inspiration autobiographique, sur la Shoah : « Grand-Père », dans lequel il exprimait de façon poignante toute l'horreur des camps de concentration. Ici, c’est l’absurdité de toutes les guerres qui est dénoncée sur un ton tragi-comique, sous la forme d’une comptine. L’illustration est d’ailleurs en décalage avec la légèreté du style, des couleurs sombres s’étalent à la gouache en double page, avec une dominance du noir, le coup de pinceau est vif, violent. Gilles Rapaport nous montre avec cet album qu’il est aussi bon auteur qu’illustrateur.