Pas facile de rendre compte d’un livre de Michel Galvin parce que son univers est foisonnant et que les images, très parlantes et singulières, disent beaucoup.
L’histoire : Un bonhomme un peu rond qui boit de la menthe à l’eau à la paille vit seul dans une maison immense, si grande qu’il y découvre sans cesse de nouveaux méandres et recoins. Trois cuisines, une chambre, quatorze bibliothèques, quatre-vingt-huit salles de jeux : n’est-ce pas beaucoup d’espaces pour un bonhomme tout seul ? Surtout que notre bonhomme passe beaucoup de temps à méditer dans une pièce située en haut de sa maison, juché sur un trône démesuré auquel il n’accède qu’avec une échelle. Une manière pour lui de se sentir le roi du monde ? De quel monde ? Lui qui ne sort jamais de chez lui, qui ne voit personne !
La vie du bonhomme se complique singulièrement lorsqu’un intrus surgit dans la maison. Tout de noir vêtu, il arbore un sourire malicieux, des cornes dressées et une très longue queue pointue, flexible et souple, qui traîne sur les pages du livre comme un fil conducteur. C’est bien le diable que voilà, imprévisible, dérangeant, vivant, moqueur, revenant sans bruit quand le bonhomme le chasse. L’irruption du diable force le bonhomme à bouger, à explorer son monde clos, à repérer « une espèce de grosse pelote noire bizarre, immobile, silencieuse mais ô combien encombrante ! » Une pelote qu’il faut chasser bien sûr mais qui se révèlera être bien autre chose … Métaphore de l’ouverture, clé pour aller vers l’extérieur, boule volante pour voyager, tas de fils pour se dérouler une autre vie, pour aller voir ailleurs, pour rencontrer d’autres gens, pour vivre l’imprévisible … Car la vie ne consiste pas à s’enfermer seul mais à ouvrir les portes et le cœur. Le diable en rit encore sans doute, méditant dans la salle du trône de la maison vide désormais !
On ne peut oublier cet album, très maîtrisé sur tous les plans. Les images de Michel Gavin sont poétiques, étranges et elles interrogent sans cesse le lecteur. Le texte, d’une apparente légèreté, pose des questions existentielles, et questionnent sur les choix que l’on fait pour bâtir une vie, la part du hasard, de l’imprévu, les petits riens qui constituent la vie et leurs conséquences, si importantes parfois. Beaucoup de malice et d’humour pimentent les pages, que ce soit dans les images en mouvements ou dans le texte. Le sous-titre surprenant : « pourquoi papa bricole » s’explique, en partie seulement, à la fin de l’album : « Les réparations durèrent … durèrent … durèrent … si longtemps qu’elles durent encore aujourd’hui (c’est ce que l’on appelle le bricolage) » ! Beaucoup s’y reconnaîtront …
Un album que les parents prendront plaisir à lire aux enfants, un album réussi parce qu’il parle à chacun d’entre nous, interroge, questionne et enchante aussi.

Né en 1959, Michel Galvin vit à Paris, travaille à Paris. Après des études aux Beaux-Arts, à Paris, il s’exerce dans la bande dessinée et la scénographie. Puis il se lance dans l’illustration de livres pour enfants où il se fera connaître par son dessin en noir et blanc. Aujourd’hui, il illustre très régulièrement les pages du quotidien Libération ainsi que celles du Monde, de L’Equipe Magazine, Elle, Phosphore, Enjeux, les Echos, Télérama… Michel Galvin réalise également des couvertures de livres pour l’édition, tout en se consacrant à la peinture de toiles de grandes dimensions.

Catherine Gentile