Cherub mission 10 - Le grand jeu
L'avis de Ricochet
Il y a plus de dix ans, l’écrivain britannique Anthony Horowitz, connu pour ses polars joliment décalés et ses histoires fantastiques pimentées d’un humour british à souhait, réinventait le roman d’espionnage pour ados avec son personnage d’Alex Rider, 15 ans et « espion malgré lui ».
Alex a roulé sa bosse aux quatre coins du monde et les ados l’ont suivi.
D’autres séries sont nées, d’autres héros, d’autres jeunes espions.
Mais Robert Muchamore, écrivain britannique aussi et ancien détective privé, connaît un succès sans précédent dans le genre avec Cherub.
Les adolescents, garçons et filles, en sont fous. Ils lisent sans problème ces gros romans, en parlent entre eux, se les prêtent, attendent avec impatience le prochain épisode. Un véritable phénomène qui amène à la lecture des ados peu familiers de l’univers des livres.
Cherub est une école ultra secrète, qui n’existe pas officiellement, où l’on forme à l’espionnage des enfants et adolescents, âgés de huit à dix-sept ans, en rupture sociale et familiale. Les créateurs de cette école atypique sont partis du principe que l’on ne se méfie pas d’enfans et d’adolescents, qui peuvent ainsi s’infiltrer plus aisément dans toutes sortes de milieux que l’on veut surveiller ou démanteler. Cherub est située dans un campus très isolé quelque part en Angleterre et les résidents y reçoivent une éducation de qualité et un entraînement très rigoureux. Ils sont envoyés en missions sur le terrain, partout dans le monde, et reviennent ensuite vivre au campus.
James Adams est l’un des principaux personnages de la série. On fait sa connaissance dans le premier volume : 100 jours en enfer. Il n’a alors que douze ans, collectionne les embrouilles, les échecs, les renvois. Il ne connaît pas son père. Sa mère vient de mourir, sa jeune sœur Lauren part vivre avec son père. C’est dans l’orphelinat sordide où on l’a enfermé, faute d’adultes pour le guider, qu’il est recruté par Cherub. Ce qui l’empêche sans doute de basculer définitivement dans la délinquance. Commence alors pour lui une autre vie, à laquelle il accède au terme de cent jours d’entraînement épuisants, qui constituent, une véritable épreuve initiatique. Il y révèle d’évidentes qualités. Sa petite sœur Laureen, à laquelle il est très attaché, viendra rapidement le rejoindre à Cherub et montrera qu’elle est une fille de caractère !
Chaque tome de la série raconte une nouvelle mission : débusquer le plus puissant trafiquant de drogue du Royaume-Uni ; faire évader un détenu emprisonné dans une prison enfer d’Arizona ; enquêter sur les activités d’un truand dans un quartier chaud de Londre s ; démasquer un milliardaire, gourou d’une secte appelée Les survivants ; infiltrer un groupe terroriste luttant pour faire cesser l’utiilsation des animaux dans les laboratoires ; séjourner en Russie pour déjouer les plans d’un homme d’affaires russe marchand d’armes ; faire cesser une guerre des clans meurtrière dans une ville d’Angleterre ; comprendre les raisons du crash d’un avion anglais au-dessus de l’Atlantique.
Au fil des missions, James grandit, murit, tout en vivant sa vie d’adolescent « normal » aimant les sorties avec les amis, les filles, les vêtements, les loisirs de sa génération.
Chaque mission peut se lire séparément l’une de l’autre, mais l’on prend plus de plaisir à les lire dans l’ordre de parution puisque les héros grandissent,évoluent dans leurs amitiés, leurs centres d’intérêt, leurs amours.
Dans le dernier volume sorti, Le grand jeu, James infiltre un groupuscule anarchiste, soupçonné de vouloir passer à l’action violente, avec l’aide de trafiquants d’armes. Pendant ce temps, Lauren pénètre avec quelques agents de douze ans, dans un centre stratégique de contrôle aérien, pas encore opérationnel, afin d’en évaluer les faiblesses. Un jeu d’enfant …
Ensuite, Lauren, James, plusieurs de leurs camarades et leurs instructeurs, partent aux Etats-Unis, dans le désert du Nevada, participer à une opération de simulation grandeur nature. L’armée américaine a reconstitué une ville, Fort Reagan, recruté des milliers de figurants, civils et militaires. Le but de cette manœuvre coûteuse : entraîner les soldats à la guérilla urbaine. Les agents de Cherub sont destinés à jouer les méchants. Surentraînés, les jeunes agents et leurs instructeurs sèment la pagaille dans la ville, organisent la résistance, mettent en déroute l’armée américaine en détruisant les avions et le moral des troupes, ridiculisent la hiérarchie militaire. L’affaire tourne mal, Anglais et Américains s’affrontent. James, exclu de Fort Reagan, ira se refaire une santé dans les casinos de Las Vegas où il mettra à profit ses extraordinaires capacités en arithmétique …
De l’action, des rebondissements, du suspense, du danger, des adolescents pleins de ressources et d’énergie, un scénario crédible, documenté, mené sans temps morts, qui utilise les ressorts de la géopolitique actuelle, tels sont les ingrédients de cette histoire qu’on lit avec plaisir. Parallèlement à la mission, les jeunes lecteurs prendront plaisir à suivre leurs personnages dans leur vie plus ordinaire, à s’amuser des déconvenues de James avec les filles, à s’identifier aux filles de Cherub, qui ne s’en laissent pas compter et font des prouesses sur le terrain.
Ce mélange de plausible, de presque vrai, de chronique d’adolescence, et d’aventure exaltante, est sans doute la clé du succès de cette série.
Les dix premiers tomes sont publiés en version grand format.
Mission 1 : 100 jours en enfer
Mission 2 : Trafic
Mission 3 : Arizona Max
Mission 4 : Chute libre
Mission 5 : Les survivants
Mission 6 : Sang pour sang
Mission 7 : A la dérive
Mission 8 : Mad dog
Mission 9 : Crash
Les quatre premiers volumes existent aussi désormais en version de poche au prix de 6 euros.
Un site internet en français est dédié à la série, sur lequel on trouve la présentation des différents épisodes, des bonus, des explications sur l’univers de Cherub, des concours … www.cherubcampus.com
L'avis des internautes
Cette série pose plusieurs problèmes de fond, et notamment celui de savoir si lire n'importe quoi est une entrée dans la lecture de qualité. Mais on ne va pas discuter de cela ici; précisons simplement que les études sur les lecteurs de Harry Potter montrent que ceux qui ont dévoré cette série et qui ont maintenant grandi sont majoritairement devenus de faibles lecteurs, et lisent très peu. Le sorcier n'a pas servi de marchepied à la "grande" ou la "bonne" lecture.
Avec Cherub, ce qui est très gênant, c'est de voir que des terroristes libèrent les animaux (non, les terroristes, ce sont ceux qui les enferment pour mener des expériences dont une abondante littérature, sérieuse cette fois, montre qu'il est inutile, pour les mener à bien, de sacrifier des animaux), que des groupes anarchistes trafiquent avec des maffieux (non, les anarchistes ne trafiquent pas avec des maffieux, qui comptent parmi les meilleurs souteneurs de l'Etat et sont donc des ennemis des anarchistes), et d'une manière générale, que les jeunes peuvent être utilisés dès leur plus jeune âge à des missions de barbouzes. Certains vont sans doute me traiter de vieux grincheux, mais au bout d'un certain temps, il finit par être pénible de voir cette perte du sens général, qui retarde notre émancipation. Car c'est bien d'un problème politique dont il s'agit, et pas seulement de faire lire. Faire lire, oui, mais si l'on pose l'axiome "mieux vaut lire n'importe quoi que ne rien lire du tout", alors, on a déjà perdu le combat pour l'émancipation. Et Cherub est, à l'évidence, l'une des nombreuses séries qui ne prônent que la continuation de l'existant et la soumission au monde abrutissant du capitalisme. Sarkozy a dû lire Cherub quand il était petit, lui qui voit dans tout ce qui concerne son immodeste personne "un complot"... ;-)
Vous ne trouvez pas effrayant cette présentation: "Cherub où l’on forme à l’espionnage des enfants et adolescents, âgés de huit à dix-sept ans parce que l’on ne se méfie pas d’enfants et d’adolescents, qui peuvent ainsi s’infiltrer plus aisément dans toutes sortes de milieux que l’on veut surveiller ou démanteler."
C'est exactement cette même logique qui produit de l'enfant soldat dans le monde et que se garde bien de dénoncer l'auteur. Je trouve cette série répugnante. Il suffit d'aller faire un tour sur le site officiel de l'auteur (qui ne sert que de pompe à soutirer du fric) pour se faire une idée du genre de personnage. Vraiment, je suis sidéré de la bienveillance qu'on accorde à cette production nauséabonde. Ce n'est pas parce qu'on chronique un livre pour ados qu'il faut manquer à ce point d'esprit critique !!!