Good bye Berlin

Maik Klingenberg, le narrateur de cette histoire singulière, se définit lui-même comme un bouseux qui n’a pas d’amis. C’est une sorte d’adolescent invisible, qui vit en solitaire dans une belle villa de Berlin, entre un père chef d’entreprise très occupé par sa secrétaire, et une mère alcoolique qui enchaîne les cures de désintoxication.
Andrej Tschichatschow, qui vient d’arriver dans la classe, est d’origine russe et son attitude fantasque et désinvolte lui donne figure d’ovni dans ce petit monde ordonné. C’est un marginal dans une famille déglinguée.
Maik et Tschick, qui n’appartiennent pas au même milieu, ont pourtant deux points communs : ils ne sont pas invités à la fête que donne la belle Tatiana, dont Maik est amoureux, et ils sont livrés à eux-mêmes pour ces longues vacances qui commencent. C’est alors que Tschick débarque chez Maik à bord d’une vieille Lada « empruntée », en lui proposant de tailler la route avec lui. Direction la Valachie, où vit le grand-père de Tschick.
Voilà donc les deux garçons partis en vadrouille, dans une voiture pleine de boîtes de conserve (sans ouvre-boîte) et d’objets inutiles, se dirigeant vers l’est au jugé. Si la Valachie reste en gros le but à atteindre, les deux compères vont faire des détours et des rencontres édifiantes : une famille « d’hurluberlus super », Isa, une fille trouvée dans une décharge ou un séjour mouvementé à l’hôpital. Ce qui compte parfois dans les voyages, ce n’est pas la destination mais le temps du voyage. Et ce temps-là, sorte de parenthèse enchantée et déjantée, de bulle vivifiante, les deux garçons vont le vivre à fond, soudés par une amitié qui n’était pas gagnée d’avance.
Un texte fort, très bien traduit, à l’écriture tonique, qui embarque vite les lecteurs dans un road movie formidable d’énergie et d’humanité. Il est construit en flash back et composé de chapitres courts. La lecture de Good bye Berlin procure vite un sentiment de jubilation rare et de bien être. On n’a pas envie de quitter Maik et Tschick, qui sont, à leur manière, à l’écoute du monde et des gens qu’ils rencontrent. Ces deux héros, avec leurs failles personnelles, sont à la fois joliment déjantés et en résonnance. Ils donnent à la démesure une dimension de sagesse qui fait l’essence de ce roman.
Une pépite à ne pas manquer !