Je suis ton manteau

Entre conte et récit d’initiation Je suis ton manteau aborde le thème de la peur de l’inconnu. Enfant, cette angoisse diffuse peut réfréner de nouvelles expériences, des rencontres, des excursions, l’aventure…

Ici le jeune héros, chapka vissée sur le crâne et bouille piquetée de rousseurs, vit avec son père sur un territoire entouré d’eau et connecté au « Grand Là-bas » par un pont dont l’extrémité disparaît dans la brume. Ce pont est infranchissable pour le garçon, car la peur « qui habite à l’intérieur de ses jambes » l’empêche de le traverser. Jusqu’au moment où son père, qui l’encourage à découvrir le vaste monde, innovante composition fictionnelle d’Angélique Villeneuve, décide de coudre des ailes à son blouson. Ainsi dit-il à son fils « rien de mauvais ne t’arrivera… » puisqu’il pourra s’envoler à tout moment.

Cet émouvant et tendre récit d’apprentissage est accompagné par l’illustration de Julien Martinière, remarquable dans la finesse du trait comme dans l’intention expressive : avant même la première page, les broderies qui habillent les contreplats sont la métaphore de son expression graphique. Leur caractère naïf d’art populaire sert également d’introduction au récit qui peut être lu comme un conte, à la frontière entre réel et fantastique.

Dès lors que l’on entre dans l’histoire, la couleur dominante est le roux, mais il est associé à un camaïeu de bleus, un dégradé du jaune au rouge, l’ensemble conférant beaucoup de chaleur au récit. Dans l’image cependant, le dessin domine, fouillé, précis, prolifique. La foule de détails captive l’attention du lecteur, en résonance avec les précisions du texte : l’environnement naturel est un magnifique cadre de vie, le feuillage roux des grands arbres à l’automne, l’écorce des troncs, blanche et grise, qui semble une multitude vivante, comme celle, fantastique, qui s’anime dans le tapis de feuilles par terre. Les détails de la vie domestique, les cloisons de bois, les voilages, la lampe d’autrefois et le lit d’enfant, les jouets, disent le bien-être et la douceur qui règnent ici. Un cocon au cœur de la forêt, ou la liberté de vivre en sécurité. Et puis il y a cette magnifique figure paternelle bienveillante et stimulante à la fois, qui va aider son enfant à dépasser sa peur, d’une façon particulièrement originale. Cette figure de père, qui se fait couturier d’ailes, épingles dans la bouche et mètre à ruban autour du cou à l’image, est une vraie trouvaille.

Quand l’enfant nouvel Icare, partira enfin vers le « Grand Là-bas », charmé par ses découvertes, il en oubliera son blouson ailé sur l’autre rive. Alors c’est la voix de son père qu’il entendra dans sa tête : « Je suis ton manteau », et plus rien ne pourra l’arrêter.

Un livre poétique qui parle aux enfants de l’amour parental, ressource inépuisable et soutien inconditionnel quand il s’agit de grandir et de surmonter ses peurs.