La plume de l'ange

Paris, 1759. Judith Amelot, jeune fille impulsive et passionnée, aime apprendre, aux côtés de son père libraire, les secrets de la fabrication des livres. Soudain, sans avoir jamais publié quelque œuvre polémique, Mr Amelot est emprisonné à Vincennes, sur lettre de cachet. D’abord anéantie, la famille et les ouvriers décident de poursuivre les activités de l’entreprise, sous l’égide de Judith. Toutefois, la jeune fille se heurte rapidement aux difficultés, et manque de plier sous les quolibets des ouvriers et la somme éreintante de travail. Une lettre anonyme, lui avouant respect et amour, l’encourage. Si le premier livre publié par Judith a quelques défauts, le second est victime de sabotage. Une personne malveillante a remplacé l’avant-propos des Lettres du Palétuvier du très charmant Mr de Quatreterre par un texte outrageant. Les 200 exemplaires sont bons à jeter, la réputation de la librairie, et celle de l’auteur, sont traînés dans la boue, et les caisses de l’entreprise sont vides ! En recomptant, la famille Amelot s’aperçoit que 50 exemplaires manquent : cela signifie qu’il en circule déjà dans Paris ! Avec toute la force du désespoir, Judith va tenter de réparer les dégâts, et de comprendre qui s’acharne contre la librairie Amelot, et dans quel but. Dans cette bataille, c’est à des enjeux qui la dépassent qu’elle sera confrontée, avec les Lumières, l’Encyclopédie et les dévots pour protagonistes.

Nous devions déjà au duo « Bazire-Talamon » la série Les enfants des Lumières, qui s’intéressait à L’Histoire Naturelle de Buffon. Judith, personnage secondaire de cette série, est l’héroïne de La plume de l’ange. Cette fois, les deux auteurs explorent la France du XVIIIe siècle à travers le métier de libraire. A l’époque, le libraire était à la fois éditeur, imprimeur, distributeur et diffuseur de ses publications. Au même moment, les philosophes de Lumières rédigent l’Encyclopédie… Voilà donc un cadre original et trépidant pour un roman historique !
Grâce à un vocabulaire précis, expliqué dans un lexique, le lecteur plonge dans cet univers plein de papier, d’encre et de caractères d’imprimerie. A la suite de Judith, il explore les bonheurs et difficultés de ce métier passionnant : entrevues avec les auteurs, négociation du papier, reliure etc.
La précision historique et littéraire permettent également une totale immersion : Judith croise D’Alembert dans le salon de Mme Geoffrin, en cherchant Mr de Quatreterre, l’auteur d’un roman exotique, très en vogue à l’époque après Paul et Virginie.
Toutefois, dans cette bataille prérévolutionnaire entre les Encyclopédistes et les partisans du Roi, l’engagement de Judith et de son père, en tant que libraires, est très frileux. Mr Amelot soutient l’Encyclopédie à voix basse, tout en confiant à sa fille : « J’ai toujours été prudent, je n’imprime que des ouvrages hors de toute polémique, je ne fais pas de contrefaçon… » (p.186). Finalement, le dénouement nous révélera qu’un proche du Dauphin a simplement voulu nuire à Quatreterre, qui avait hué sa pièce de théâtre contre les Lumières. Il ne s’agissait donc qu’une vengeance personnelle. On peut regretter que, dans un contexte si riche, terreau de la Révolution, les auteurs aient choisi une intrigue et des personnages concentrés sur leurs petits intérêts.
Un bon roman historique, trépidant et original, dans le monde du livre d’une époque bouillonnante, mais qui passe malheureusement un peu à côté de son sujet.