L'art de bric et de broc : des chiffonniers de génie

Quel bric-à-brac dans cette accumulation d’œuvres d’art conçues à partir d’objets hétéroclites, dont l’assemblage par un artiste ne doit probablement jamais rien au hasard ! Pourtant, quel rapport entre la Roue de bicyclette sur tabouret de Marcel Duchamp, l’inventeur génial du ready-made, autrement dit pré-fabriqué, et l'Arbre plastique de l’artiste camerounaise Pascale Marthine Tayou, où les branches fleuries d’une multitude de sacs multicolores, gonflés comme des petits ballons, sortent d’un mur d’exposition ?

Le concept paraît simple : imaginer une mise en scène où des objets préexistants deviennent le prétexte à faire œuvre. C’est l’originalité du geste, celle de l’idée, qui vont consacrer le travail de l’artiste.

Le projet a séduit beaucoup d'artistes, et cet album se fait la vitrine d’expressions diverses du XX^e et du début du XXI^e siècles : sur la page de droite, celle sur laquelle se porte le regard, l’œuvre se déploie, encadrée d’une couleur contrastante pour sa mise en relief. À gauche, sur un fond de couleur complémentaire, le nom de l’artiste, le titre de son œuvre, et un texte en deux parties : présentation de l’artiste, puis commentaire de l’œuvre. Procédé intéressant : dans une police de caractère plus grande, l’auteure questionne celui qui regarde, potentiellement un enfant. Va-t-il trouver l’objet au cœur de l’œuvre, autour duquel celle-ci se construit et fait sens ? Ainsi Diane Royer sensibilise-t-elle le jeune regard en l’incitant à interagir avec l’œuvre, à retrouver l’intention de l’artiste, et peut-être plus tard, lui-même s’essaiera-t-il à quelque magique et géniale combinaison. On retrouve d’ailleurs l’œil exercé de la spécialiste^[1] dans le choix des œuvres présentées, et la qualité de ses commentaires, même s’ils ne sont pas très développés, répond aux attentes de son projet.

Associer plusieurs objets disparates, imaginer une scénographie symbolique, utiliser un titre pour suggérer une signification, et surtout créer du sens entre tous ces éléments, parfois avec humour, voilà le but de l’artiste : Kader Attia avec Halam Tawaaf, recrée les sept circumambulations, où des canettes de bière pliées toutes selon le même angle et disposées en un vaste disque de cinquante mètres de diamètre autour d’un centre strictement carré, et vide, suggèrent l’alignement des fidèles autour de la Kaaba à La Mecque, mais l'ensemble se prête à de multiples interprétations. Finny Fish d’Alexander Calder est un mobile figurant une silhouette de poisson à l’intérieur de laquelle sont suspendus de multiples morceaux de verre ou autres matériaux : comment ne pas y voir aujourd’hui le symbole de la mort des poissons gavés de nos déchets modernes ? Le Parthénon des livres, œuvre monumentale de l’artiste argentine Marta Minujín, rend hommage à la culture classique, fait référence aux livres brûlés dans les autodafés de l’intolérance, et sanctuarise la liberté d’expression.

Cet album est non seulement un bel objet, il est aussi un éveil à la création plastique, et une initiation à la réflexion philosophique ; et comme il s’adresse aux enfants, il peut être lu et médité à tout âge de la vie : la démonstration est spectaculaire, et le livre, une réussite.

^[1] Diane Royer a publié chez Palette… Des architectures pas comme les autres.