Le temps des ours

Ça commence mal : « Je suis parti parce que plus personne ne m'aimait ». L'ours en peluche quitte la maison, et passe dans un monde nouveau, inconnu, peut-être dangereux, avec l'idée de trouver quelqu'un qui l'aime enfin, les deux critères de référence étant tout le temps et beaucoup. Il rencontre... la fleur : l'effeuillage de ses pétales n'est pas concluant. Le nuage : trop changeant. Les pierres : toutes tristes. Peu à peu, les éléments suivant le voyage de l'ours vont se permettre quelques conseils : notre peluche a malgré tout eu la chance de connaître l'amour à un moment de sa vie, et puis est-il vraiment sûr que personne ne s'intéresse à lui ? La rivière va finalement parvenir à lui redonner le sourire.

Avec son illustration aux tons effacés et à la technique singulière, son décor minimaliste et son héros d'apparence ancienne, l'album déborde d'abord de mélancolie. L'ours ne pleure pas, mais on ressent avec acuité l'immensité de son désarroi, et un désespoir encore augmenté par le texte aussi court que définitif. Puis, très vite, la poésie affleure, comme une note d'espoir dans un monde tout noir. Pétales qui mettent le cœur de la fleur à nu, nuage en forme de cœur qui devient clé (de ton cœur...), de multiples petits signes avertissent le lecteur d'une évolution positive. La fin est étonnante, pourtant évidente car point de départ de la socialisation.
En peu de mots et des dessins saisissants, à travers un personnage animalier à la forte charge nostalgique, Rascal réussit ni plus ni moins à nous parler de la dépression. Et au-delà, à inviter les jeunes lecteurs à bien construire ce qui les fonde, à savoir l'estime de soi... Magique et émouvant.