Les papillons de la Lena

« Le battement d’ailes d’un papillon à la source de la Lena peut suffire à provoquer un combat de bœuf musqué à son embouchure. »
Le livre, qui fait suite à Aux Bords du lac Baïkal, est tout entier construit autour de cet axiome. De petite histoire en petite histoire, d’animal en animal et par le fil conducteur d’une planche de bois en forme de lapin ( ! ), le lecteur fait connaissance avec la faune qui peuple les rives du fleuve Lena, un des plus grands de Russie. On retrouve d’ailleurs certains insectes, poilus ou emplumés rencontrés au lac Baïkal, et on en découvre bien d’autres : l'écureuil Mitrofane Stakhanov, l'éphémère Mimolette Perséphone, l'esturgeon Ossoufri Laboda… Chacun a son petit nom, sa famille, et aussi sa personnalité en général bien trempée. Même si pour lui, rêve et réalité sont une seule et même chose, l’animal a don de conscience, et un narrateur externe le fait parler, dialoguer avec ses congénères. C’est souvent amusant, plein de tendresse, sous-tendu par un message écologiste très fin. Christian Garcin a imaginé la mise en scène complexe d’un jeune Chinois, personnage récurrent de son œuvre, qui viendrait observer ces animaux et leur donnerait une vie, les doterait d’un esprit tutélaire : Goritsa la Divinité du Grand Fleuve, qui sait tout sur tout. Si je n’ai pas compris la nécessité de cette figure humaine, je me suis plongée avec délices dans les inénarrables petites (més)aventures des habitants du bord du fleuve. Les Papillons de la Lena est une formidable leçon de savoir-vivre, avec un sens de l’essentiel plein de fraîcheur.