Mahaut grand reporter

Sourde d’une oreille, Mahaut est seule survivante de jumelles. Elle a fait de sa sœur une part de la « Conscience du Monde », qui lui parle et l’invite à agir pour le bien. Issue d’une famille d’aristocrates assez guindée, son choix d’être journaliste à la télévision a pu étonner, mais il faut dire que Mahaut parle sept langues, grâce aux nounous de son enfance. Très vite, elle est appréciée par son chef, et peut commencer à réaliser ses propres reportages de par le monde.

Premier titre de la collection, Mahaut est destiné « aux jeunes qui veulent découvrir, par le biais de la fiction, un métier pratiqué avec passion ». La sincérité de Catherine Jentile est évidente. Elle montre avec aisance toutes les facettes de son métier : documentaire, technique, hiérarchique (la compétition au siège parisien est rude), heureusement enrichissante par la variété des thèmes traités et les contacts humains qui se créent, mais aussi dangereuse et fatigante. En effet, Mahaut va passer très rapidement de l’Afrique et ses enfants-soldats à la Chine muselée, jusqu’à la Jordanie et l’Afghanistan en guerre, rebondissant d’un sujet à l’autre, s’investissant personnellement –trop ? grand reporter est un métier qui laisse peu de place à autre chose – dans chacune de ses missions. Sur cet aspect documentaire très bien rendu, l’auteur a rajouté une fiction plutôt étrange, à la limite du fantastique et du lyrisme, et qui tranche totalement avec la nécessaire objectivité, le réalisme du métier présenté. Par l’intermédiaire de sa sœur et de tams-tams d’Aborigènes, Mahaut peut prévenir la mort prochaine de certaines personnes, ce qu’elle fait pour le cameraman Max. Et puis, elle est amoureuse d’Oswald, son ami d’enfance devenu agent secret, rencontré le temps d’un baiser alors qu’il est en mission secrète influant sur toute la politique extérieure de la France… Cela fait beaucoup, surtout pour de si jeunes gens. On veut bien croire que Mahaut est douée, brillante (« ‘Langues O’, ‘Sciences Po’ […] se sont ensuite déclinées après le lycée, en toute logique – la logique de ma vie. », p. 51), que le milieu du journalisme privilégie ceux qui savent bouger et le montrent, mais cela ne donne-t-il pas au final une image idyllique d’un métier où les pigistes de médias régionaux ne se comptent pas ?... Un peu agaçante, l’héroïne-narratrice de Catherine Jentile a le mérite de fournir le prétexte à une introduction sérieuse au travail de journaliste, sous les auspices d’Albert Londres cité plusieurs fois.