Manoel : le liseur de la jungle

« Ne croyez pas ceux qui prétendent connaître les tatous. »

On est au Brésil, au bord d’une rivière, la Juruá, qui se jette dans le rio Solimões avant de devenir l'Amazone.

Le narrateur Luizao le jure, lui ne ment pas, il connaît bien Manoel, le tatou liseur. 

Véritable dévoreur de livres, celui-ci aime le catalogue Volkswagen ou l’annuaire de téléphone et en manque de lecture, il tombe sur les Histoires comme ça de Kipling qui prétend que le tatou est le fruit d’un croisement entre hérisson, ou porc-épic et tortue.

Outre l’incrédulité de Manoel, ce livre suscite son mécontentement : comment peut-on écrire sur lui sans lui et le conte du « Commencement des Tatous » est notoirement faux... Manoel qui sait de quoi il parle, puisqu’il est tatou lui-même, sait que le tatou est arrivé « dans un Panier Sacré, porté par le Grand Toucan ». Et il est bien décidé à rétablir la vérité en forçant Kipling à réécrire son histoire. 

C’est sans compter sur le fourbe Geraldo, rencontré dans un café de Carauari qui fait commerce (illicite) de carapaces. L’auteur et son narrateur parsèment le récit d’alertes intrigantes, « [s]’il savait ce qui l’attend... » et bien sûr le lecteur n’attend que cela, de savoir.

Les illustrations de Perceval Barrier développent, par la grâce d’un dessin un peu naïf, à la 3^ème personne ce que dit Luizao et nous avons ainsi deux instances narratives distinctes : celle de Luizao à la 1^ère personne et celle du commentateur qui distille informations et mises en garde, l’affaire est grave.

Mais pour trouver l’homme, il faudrait au moins connaître son nom et son adresse. De pilier de bar en bibliothécaire, de bibliothécaire en Indien, Luizao et Manoel cheminent jusqu’à Bonanza Sampaio de Souza où Kipling repeint la cuisine ! Manoel devrait être heureux mais Kipling n’est pas celui du livre, Bonanza est très différente de ce qui était annoncé et le lecteur est tourneboulé puisque Matthieu Sylvander le renvoie à la case départ ce qui ne va pas sans nouvelles aventures.

On pense aux récits fabuleux aux généalogies compliquées, aux récits picaresques, aux westerns spaghettis, à toutes les écritures parodiques et on s’amuse énormément.